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L’année 2006 fut
pour Lühl une année de grands travaux d’arrangements musicaux.
Ce travail, bien qu’indispensable pour son organisation
personnelle artistique, le lassait grandement car un arrangement
n’est qu’une déviation d’un original et non quelque chose de
proprement créatif; de plus, depuis sa sixième symphonie LWV 93
(LWV= Lühl-Werkverzeichnis, catalogue d’œuvres du compositeur),
entreprise en janvier 2005 et toujours pas terminée faute de
temps, il n’avait rien écrit de plus consistant. Ainsi, il
arrangea son Requiem in memoriam Vauban LWV 61 à la mémoire du
grand Maréchal de France, originalement écrit pour chœur mixte,
soprano et orchestre symphonique, en réduisant le lourd effectif
orchestral à l’orgue. Puis ce fut le tour d’une série d’hommages
à Claude Debussy et Alexandre Scriabine avec de petites œuvres
pour piano seul. Son deuxième quatuor à cordes LWV 85 remontait
à la période entre mars et octobre 2005. Pour chaque quatuor à
cordes, Lühl fait une adaptation pour orchestre à cordes,
permettant ainsi de multiplier les possibilités d’exécution de
l’œuvre originale pour une formation plus étoffée. Celle du
deuxième quatuor attendait patiemment dans le tiroir, lorsqu' il
décida de rompre avec sa "corvée" d’arrangements et
d’entreprendre une nouvelle œuvre originale. Avec le premier
quatuor LWV 80 (octobre 2003-janvier 2004), écrit d’après des
lettres du maréchal de Vauban, personnage universel qui fascine
le compositeur depuis des années, il ouvrit une nouvelle page
dans sa carrière de compositeur.
C’est avec cette arrière-pensée qu’il travailla en
Allemagne au Quatuor n°3 LWV 100 en fa # mineur surnommé
Renovatio (tonalité portant 3 dièses, avait-il pensé à cette
analogie amusante en composant ?!) durant l’été 2006. Quinze
jours plus tard, l’œuvre fut achevée. Stylistiquement, l’ouvre
est écrite en un seul mouvement, contrairement aux deux autres
œuvres, mais d’une grande densité contrapuntique. L’auteur semble
avoir condensé en une seule pièce tous les éléments
structurels les plus complexes que l’on peut retrouver dans un
quatuor traditionnel en quatre mouvements : forme sonate, fugato
supplémentaire à la place du pont entre les deux thèmes
principaux à la réexposition, ambiances variées allant du
scherzando aux formules cadentielles et au presto décisif, le
tout écrit dans un rythme effréné, entrecoupé de courtes
pauses finement dosées, servant uniquement de tremplin pour
rebondir sur une nouvelle progression dynamique, rompant avec le
mouvement allant entendu précédemment.
En rédigeant son troisième quatuor, Lühl avait un autre projet
en tête, réunissant trois quatuors aux chiffres symboliques
significatifs (3 – 5 – 7) et progressant successivement dans
l’ordre du nombre de mouvements pour chaque quatuor : ainsi, le
troisième comportant un mouvement, Lühl en ajouta un deuxième
pour le cinquième et enfin trois pour le septième. Il appelait
officieusement ce projet « Säulen der Zeit » ("Les piliers du
Temps") car cette œuvre devait durer une heure sans interruption
musicale.
Le Quatuor n°5 LWV 123 (composé du 1er au 6 mars
2008) commence avec cinq dièses (comme le n°3 en comportait
trois) avec une reprise du début du troisième quatuor. La
thématique musicale de l’œuvre entière tourne autour d’un motif
de cinq notes traité sous toutes les formes. Le premier mouvement
se distingue dans sa forme originale par cinq voyages musicaux,
qui perdent un à un un dièse à la clef et doublent leur nombre
de mesures à chaque fois. Le deuxième mouvement est un
recueillement élégiaque, toujours encadré par les cinq notes
principales (dont le chromatisme retourné rappelle symboliquement
la croix du Christ). Des citations du troisième quatuor se font
entendre à la toute fin de l'œuvre, qui s’achève sur un point
d’interrogation, laissant place au quatuor suivant.
Le Quatuor n° 7 LWV 132 (les deux derniers chiffres
sont symboliquement inversés), composé du 13 juin au 18 juillet
2009, marque non seulement l’aboutissement de l’œuvre composite,
mais aussi celui de l’ensemble du cycle des sept quatuors à
cordes de Lühl. Toutes les thématiquescitées dans les deux
précédents quatuors sont reprises dès le premier mouvement.
Celui-ci débute par une marche funèbre et, malgré la
complexité cyclique de l’écriture, l’auteur a inséré ses
motifs dans un moule plus traditionnel selon les mouvements, ici
l’allegro de sonate. Grand amateur de l’art fugué, il met sa
connaissance technique à l’épreuve. C’est ainsi que les fugues
se croisent, se renversent, se superposent même à l’aide du
riche matériau thématique. De plus en plus fougueux jusqu’au
couronnement final, la difficulté instrumentale pour chaque
partie, quoique loin d’être ingrate pour l’exécution, correspond
plus à celle d’un concerto de soliste que d’un quatuor à cordes.
Le troisième et dernier mouvement de l’œuvre, outre le savant
mélange des éléments thématiques cités auparavant dans les
deux quatuors, tourne cette fois autour d’un thème à sept notes,
s’articulant en quatre phrases distinctes à l’alto. L’auteur
affirme, après avoir orchestré ses trois quatuors de suite
quelque temps après pour en faire sa septième symphonie en un
mouvement LWV 143 : « Je ne pense pas pouvoir créer quelque chose
de plus abouti. »
QUATUOR n° 6 LWV 124 "Madame Elisabeth"
Avec le premier quatuor à cordes, Lühl entama une série de sept
quatuors se réunissant musicalement dans un grand ensemble
thématique. Le sixième, datant de juillet à novembre 2008,
illustre la vie de "Madame Elisabeth". Elisabeth Marie Hélène de
France, dite Madame Elisabeth, née à Versailles le 3 mai 1764,
était la sœur des rois Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Sous
la Terreur, elle dut comparaître devant le Tribunal
révolutionnaire et fut condamnée à mort.
Elle se passionna pour l’art, en particulier le dessin pour lequel
elle montra de réelles dispositions. Le musée de Versailles
conserve quelques-unes de ses œuvres. Malgré les apparences,
c’était une femme de caractère, mature et réfléchie, qui
tenait parfois tête à son frère ou à sa belle- sœur
Marie-Antoinette. Leurs affrontements portaient sur des choix de
stratégie politique. Ce sont ces aspects du caractère de la sœur
du Roy que Lühl utilisa pour composer son quatuor, dépeignant sa
vie en quatre mouvements.
Le deuxième mouvement mérite une attention particulière : sur
le manuscrit, Lühl rédige les lignes : Frei nach
Marie-Antoinette [1755-1793] – Arietta in G Dur (librement
d’après Marie-Antoinette, Ariette en sol Majeur). L’épouse
autrichienne du Roy était, comme toute femme de cour recevant une
éducation étendue dans les arts de la culture, également
compositrice et a laissé quelques pièces pour chant et piano.
Lühl reprit une de ses mélodies et en fit sept variations, ne
voulant volontairement pas dépasser le nombre de quatuors à
composer pour son cycle. C’est la seule pièce avec cette
structure dans son cycle.
Bien que débuté en juillet 2008 et terminé en novembre de la
même année, le dernier mouvement est issu d’un autre projet
antérieur. Parallèlement à la composition de son quatuor, il
orchestre le dernier mouvement et l’intitule Anna Karénine,
poème symphonique d’après le roman de Tolstoï. Plongé avec
passion dans les lectures de l’auteur russe, il décrit la vie de
l’héroïne dans la même pièce et la découpe chronologiquement
en quatre parties :
- Du journal d’Anna (Aus Annas Tagebuch) : premier thème -
Aventures avec le comte Vronsky (Erlebnisse mit Graf Wronskiy) :
deuxième thème - L’âme souffrante d’Anna (Annas seelischer
Leidensweg : développement) - La délivrance d’Anna (Annas
Erlösung) : Coda.
Peu après l’achèvement de ce quatuor, Lühl adapta la pièce
pour orchestre à cordes et l’enregistra sous sa direction
(disponible chez Polymnie sous la référence POL 620 478).
Intermezzo LWV 227
L’œuvre la plus récente de Lühl pour quatuor à cordes est une
petite pièce fort contrapuntique tirée de son prélude LWV 81
n°1. " Manquant de temps, car l’enregistrement du Csàrdàs pour
compléter ce disque était imminent, j’ai décidé de ne pas
écrire de conducteur et en revanche de procéder différemment
pour faire gagner du temps de travail aux musiciennes. Je voulais
savoir comment on se sentait en composant comme Mozart,
c’est-à-dire en rédigeant directement les parties séparées
sans passer par l’inévitable conducteur. Résultat : un travail
très lucide, une copie sans fautes, mais un peu déboussolé par
le manque de support de synthèse ! Une expérience amusante et
fort intéressante, désacralisant la méthode de travail
‘intouchable’ de ce génie démesuré."
Csàrdàs LWV 216
Suite au Csardas LWV 200, composé à l’occasion du disque pour
ses œuvres pour piano et violon, Anne-Lise Durantel, la
violoniste, demanda au compositeur d’adapter cette pièce virtuose
pour quatuor à cordes. Lühl n’hésita que peu de temps et c’est
ainsi que naquit cet arrangement, dont le fourmillement rappelle
incontestablement les ensembles tziganes sur l’Ile
Sainte-Marguerite à Budapest !
Lühl-Dolgorukiy travaille en collaboration avec les éditions
phonographiques Polymnie pour l’intégrale de l’enregistrement de
ses œuvres. Sont déjà disponibles les Quatuors à cordes n° 1,2
et 4 (POL 480 243 et POL 480 364), le Requiem Vauban (POL 790
344), sa cinquième Symphonie sous sa direction (POL 990 361) et
deux CD Rachmaninoff (POL 150 657 et POL 150 865), dont le
deuxième Concerto pour piano op. 18 et la Rhapsodie sur un thème
de Paganini dans une réduction pour deux pianos de l’auteur.
D’autres albums sont en préparation.
STRING QUARTETS n° 3, 5 & 7
2006 was for Lühl a year in which he wrote some extensive musical
arrangements. This work, although indispensable for his personal
artistic development, he found tedious, because an arrangement is
just a deviation from the original and not per se creative.
Moreover, since his Sixth Symphony LWV 93 (LWV
Lühl-Werkverzeichnis, the composer’s catalogue), undertaken in
January 2005 and still unfinished because of time limits, he has
not written anything more consistent.
And so he arranged his own Requiem in memory of Vauban LWV 61, in
memory of the great French Marshall. It was originally written for
mixed choir, soprano and symphony orchestra and adapting the heavy
orchestration for the organ. Then followed a series of tributes to
Claude Debussy and Alexander Scriabin together with small works
for piano. His second string quartet LWV 85 was written between
March and October 2005 during which Lühl often complained about
the excessive distractions of the Parisian metropolis which often
diverted him from completely concentrating on his work.
Even if the second quartet was interrupted several
times, Lühl adapted it for a string orchestra and in doing so he
allowed for multiple possibilities in the execution of the
original work for a larger ensemble. The second quartet languished
patiently in a drawer while he was deciding to finish his
obligatory arrangements, before starting a new original work. With
the first quartet LWV 80 (October 2003- January 2004), inspired by
Vauban’s personal letters, a genius who fascinated the composer
since childhood he thus opened a new chapter in his career.
With the second quartet at the back of his mind he worked
diligently while in Germany on a third Quartet LWV 100 (in only
one movement subtitled “Renovatio”) in f sharp minor during summer
of 2006. Two weeks later the work was finished.
Stylistically, the work was written in a single movement contrary
to the two other works, but possessing counterpoint density. The
composer seems to have condensed into a single work all the most
complex structural elements that one can find in a traditional
quartet of four movements: a sonata, an extra fugue in place of
the bridge between the two main themes with varied atmospheres,
going from a scherzando with rhythmic formulas to a very strong
presto. All of it is written in a frantic rhythm inter-cut by
short, well dosed pauses which serve as a departure to continue on
a new dynamic progression and not a radical change of ambiance.
While writing his third string quartet Lühl had another project
in mind: a musical adventure of colossal complexity, unifying
three quartets with the symbolic numbers 3, 5 and 7. Each quartet
should have one movement more than its previous one; as the third
quartet only had one single movement, the fifth quartet had two
and the seventh three movements. He called this project
unofficially “columns of Time”, since this work should last a full
hour without interruption.
The Fifth Quartet LWV 123 (composed between March
1st and 6th of 2008) starts with five sharps (as the third had
three) and with the same beginning. The whole thematic material of
this quartet is gathered around a key-motif of five notes which
are never left aside and constantly modified throughout the entire
piece. The first movement’s original structure is based on five
different “musical journeys”, each one losing a sharp sign and
being twice as long as the previous one. The second movement is
written in form of a slow musical meditation, still containing the
five-note motif (of which its inverted chromatism reminds one
symbolically of the Christ’s Cross). Quotations of the third
quartet can be heard as a reminder at the very end of the piece.
The quartet does not end conventionally, leaving space and
suspense for the following quartet (n°7) to enter the stage and
disclose the whole mystery.
The Quartet n°7 LWV 132 (note that the two last
digits are symbolically reversed compared to the opus number of
string quartet n°5), composed between June 13th and July 18th
2009, not only gives the needed apotheosis to this “patchwork”
masterpiece, but it also concludes a whole cycle of 7 string
quartets. Therefore all the themes and motifs of the previous
quartets (especially n°3 and n°5) are used again. The first
movement introduces the work with a funeral march, which, despite
its cyclic structure, is built like a sonata. The author has
inserted his symbolic motifs in a more conventional form, in order
to maintain a general thread of the musical discourse. He often
used his entire technical composing knowledge and combined
different sets of fugues with each other, making the piece even
more complex.
Becoming more and more impetuous until the very end, the work’s
performing difficulty rises up to the level of a concerto rather
than that of a standard string quartet. The whole movement,
comparing it to the fifth quartet in its musical symbolism,
rotates around a theme with seven notes, exposed four times since
the very beginning of the third movement (and played by the
viola).
The author could with good reason claim from this work, after he
had orchestrated it and included it as its Seventh Symphony LWV
143 in one single movement: “I don’t think I could go any further
than this as far as the musical structure is concerned!”
STRING QUARTET n °6 LWV 124 “Madame Elisabeth”
Lühl’s sixth string quartet dating from July to November 2008,
illustrates the life of Madame Elisabeth. Elisabeth Philippine
Marie Hélène de France, called Madame Elisabeth, born in
Versailles in May 1764, was the sister of the French king Louis
XVI. Under the French Reign of Terror, the Revolutionary Tribunal
condemned her to death. Orphaned at three years of age, Elisabeth
received an excellent education, more in depth than that of her
future sister-in-law Marie-Antoinette who was nine years her
senior. She was passionate about art, especially drawing. The
Château de Versailles museum still has some of her works. Despite
appearances she was a woman of strong character, mature and
thoughtful, who stood up to her brother and her sister-in-law.
Their confrontations were about the choice of political strategy.
These are the aspects of the King’s sister’s character that Lühl
used to compose his quartet, painting her life in four movements.
The second movement deserves particular attention. On the
manuscript, Lühl writes the following in German: “Freely adapted
after Marie- Antoinette [1755-1793] – Arietta in G Major.” The
Austrian spouse, like every woman at the court, received an
extended education in arts and culture, as a composer she left
some pieces for voice and piano. Lühl took one of her melodies
and created seven variations, to coincide with his cycle of seven
quartets. It is the only piece with this structure in his string
quartet cycle.
Although begun in July 2008 and finished in November of the same
year the last movement is the result of a previous project.
Parallel to composing his quartet he orchestrated the last
movement from January 17th to 22nd an entitled it Anna Karenina –
a symphonic poem after Tolstoy’s novel. Passionate about Russian
authors and literature he described the life of the heroine in the
same book and put it into four chronological parts:
- Anna’s diary: first theme - Adventures with Count Vronsky:
second theme - Anna’s suffering: musical development - Anna’s
deliverance: Coda.
Shortly after the completion of the quartet he wrote an
arrangement for string orchestra (available at POL 620 478 with
the composer conducting the Helsinki Baroque Orchestra).
Intermezzo LWV 227
The latest work by Lühl for string quartet is a tiny little
adaptation of his prelude for piano LWV 81 #3 and was composed in
May 2013.
Csàrdàs LWV 216
Following the Csàrdàs LWV 200, originally written for violin and
piano, Anne-Lise Durantel, the violinist, asked Lühl whether he
could provide an arrangement for string quartet for this virtuoso
piece as an encore for her ensemble. Shortly afterwards, Lühl
started working on this idea and it does not sound surprising
that, since he came in contact with Gypsy folk music when he was
very young, this arrangement strongly reminds one of the both
lyrical (for the slow part) and frantic (for the fast part) magic
with which the Hungarian street players improvise.
Lühl's recordings are available at the music label Polymnie, for
which he already recorded several works of his own, conducting an
orchestra for his Fifth Symphony (POL 990 361), or playing the
piano, and more recently a CD of piano pieces by S. Rachmaninoff
and the Rhapsody on a theme by Paganini and the Second piano
concerto op. 18 (POL 150 865). Lühl is planning to record his
entire work (about 50 CDs).
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