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Georges
Bériachvili, piano
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Carl Maria von Weber Franz Liszt |
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La danse est une des principales
sources où la musique puise ses formes, ses codes, sa gestuelle,
son inspiration. Le récital enregistré sur ce disque présente
l’univers de la danse imaginaire, rêvée et métamorphosée par les
compositeurs du XIXème siècle. Le programme évoque différents pays
et milieux à travers des œuvres de différents formats et
caractères, du plus concis au plus développé, du plus intime au
plus éclatant, du plus simple au plus élaboré : quelques traits
seulement pour esquisser les contours d’un thème inépuisable.
Carl Maria von Weber (1786-1826) Invitation à la danse op. 65 Invitation à la danse ("Aufforderung zum Tanze") est une des plus célèbres pièces de Weber. Historiquement, c’est la première valse de concert, qui aura une si belle descendance, avec les valses de Chopin en premier rang. Le morceau a été composé en 1819 et dédié à la femme du compositeur Caroline. Weber a imaginé tout un scénario qui décrit mesure par mesure le déroulement de l’introduction et de la coda : Mes. 1-5: première demande du danseur; 5-9: réponse évasive de la dame; 9-13: une invitation plus insistante ; 13-16 : elle accepte sa prière ; 17-19 : il commence une conversation ; 19-21 : elle répond ; 21-23 : il continue avec empressement ; 23-25 : elle répond plus chaleureusement ; 25-27 : maintenant dansons ! ; 27-29 : sa réponse ; 29-35 : ils arrivent ensemble et attendent le début de la danse. La danse. Fin : ses remerciements, sa réponse, et leur séparation. Au XIXème siècle la pièce a été largement popularisée par l’arrangement orchestral de Berlioz. Nombreuses sont également ses adaptations chorégraphiques. Mais avant tout, l’Invitation à la danse est une brillante pièce pianistique, où la virtuosité est entièrement au service de l’image poétique, exaltant la vitalité, l’ardeur et l’élégance de la valse. Franz Schubert (1797-1828) Mélodie hongroise D. 817 Un jour de l’été 1824, Schubert aurait entendu une jeune servante chantant un air dans la cuisine du comte Esterhazy. Le compositeur a immédiatement noté la mélodie et l’a utilisée ensuite dans le dernier mouvement de son Divertissement à la hongroise op. 54 pour quatre mains. Mais sur ce thème il a écrit également une autre pièce de dimensions plus modestes, Mélodie hongroise, qui n’a été retrouvée et publiée qu’en 1928. Au temps de Schubert, la musique hongroise était totalement confondue avec la musique tzigane. Cette musique, d’après les témoignages, attirait beaucoup le compositeur. La nostalgie et les appels au lointain, de cette Mélodie hongroise ne concordent-t-ils pas intimement avec la vie nomade et libre qu’a menée Schubert lui-même ? Robert Schumann (1810-1856) Papillons op. 2 Parue en début de 1832, c’est la première œuvre de Schumann où sa personnalité artistique s’est affirmée avec toute son originalité. La composition représente un enchaînement de douze miniatures précédées d’une brève introduction. Elle est inspirée par la lecture du roman Flegeljahre ("L’Âge ingrat") de Jean Paul, un des écrivains préférés de Schumann. La musique reprend la trame de la scène finale du roman, un bal masqué où se retrouvent les frères jumeaux Walt et Vult – l’un rêveur et candide, l’autre droit et impétueux –, tous deux amoureux d’une même jeune fille Wina. Diverses danses et péripéties se succèdent. Les jeunes personnages s’agitent et se pâment, échangent des masques, se confient et se rebiffent. La dernière pièce fait entendre le Grossvatertanz, chanson allemande du XVIIème siècle, qui clôturait traditionnellement les fêtes. L’horloge de la tour sonne six heures du matin (on entend six fois un la aigu), la musique s’évanouit... Malgré le fait que Schumann trouvait difficile pour l’auditeur de suivre le fil de la musique sans en connaître l’argument, il a décidé de ne pas en laisser de traces dans la partition. Plus tard, il disait avoir "adapté le texte à la musique et non l’inverse". Les historiens qui ont essayé de restituer le scénario exact d’après le livre, ne sont jamais tombés d’accord sur les correspondances entre le texte et la musique. En revanche, une dramaturgie purement musicale unit les pièces de Papillons par de multiples fils. Le creusement des contrastes, l’approfondissement des caractères musicaux, la dilatation progressive des morceaux, les reprises motiviques, font de ces pages capricieuses, nostalgiques, gracieuses ou ferventes, un ensemble cohérent. Frédéric Chopin (1810-1849) Mazurka en la mineur op. 17 n°4 Composée en 1833, cette pièce est une des plus intimes et une des plus remarquables parmi une soixantaine de mazurkas écrites par Chopin. Elle est pleine de fragilité et de tristesse insondable, rares chez le jeune compositeur. Derrière sa simplicité apparente, se cache une grande richesse des caractères musicaux. Le thème principal enchaîne en toute fluidité des motifs recelant la plainte et le rêve, la passion et la résignation, le gémissement et la révolte... De la danse il ne reste que quelques rythmes rétifs, ainsi que l’épisode central – songe d’une idylle populaire. Tarentelle en la b Majeur op. 43 La Tarentelle de Chopin, parue en 1841, est une des rares excursions du compositeur en dehors de ses danses de prédilection (mazurkas, valses, polonaises) ainsi qu’en dehors de son style habituel. Cette danse populaire italienne mise au goût du jour par Rossini, n’offrait sans doute pas à Chopin la facilité de déployer son lyrisme, sa fine sensibilité ou son pathos héroïque. Le résultat est une sorte d’étude de virtuosité, dense, imaginative et originale, avec une écriture presque trop savante. Il est amusant d’en citer une critique de Schumann : "C’est un morceau de la plus folle manière de Chopin : on voit devant ses yeux le danseur pirouettant, possédé de folie, et on a soi-même l’esprit tout en vertige. Personne sans doute n’osera appeler cela de la belle musique, mais nous pouvons bien pardonner une fois de plus au maître des sauvages fantaisies." Piotr Tchaïkovski (1840-1893) Valse sentimentale op. 51 n°6 La valse était une danse particulièrement chère à Tchaïkovski. Ses ballets, opéras, romances, symphonies et autres œuvres instrumentales, sont parsemés de valses qui débordent d’inspiration mélodique. La Valse sentimentale, qui fait partie du cahier de six pièces op. 51 (1882), est une de ses pages les plus rêveuses et intimes. Danse russe op. 40 n°10 La Danse russe a été composée en 1877, en tant que numéro supplémentaire pour le 3ème acte du Lac des cygnes. La version pour piano a été intégrée ensuite dans le recueil Douze pièces de difficulté moyenne op. 40, sur lequel le composteur a travaillé courant 1878. La première partie du morceau est d’une douceur et grâce typiquement russes. Elle est suivie du second volet : une danse effrénée d’une hardiesse tout aussi nationale. Alexandre Scriabine (1872-1915) Mazurka en do# mineur op. 3 n°6 Les Dix mazurkas op. 3, composées entre 1888 et 1890, font partie des œuvres de la première jeunesse de Scriabine, marquée par une forte influence de Chopin. Cependant la personnalité du compositeur s’y affirme déjà impétueusement. La sixième pièce du recueil en est une belle preuve. Très originale, elle crée une image d’une danse quasi-irréelle, telle une apparition, tantôt fragile et fuyante tantôt mélancolique. Edvard Grieg (1843-1907) Menuet de la grand-mère op. 68 n°2 Le Menuet de la grand-mère est extrait du neuvième des dix cahiers de Pièces lyriques, composé en 1898. Les soixante six Pièces lyriques représentent une sorte de journal du compositeur qui l’a accompagné durant presque toute sa carrière. Ce menuet – danse depuis longtemps reléguée au passé – attire par sa bonhomie, son humour, sa simplicité et sa fugitive fraîcheur nordique. Franz Liszt (1811-1886) Rhapsodie espagnole S. 254 La Rhapsodie espagnole a été composée par Liszt en 1863. Le compositeur, au sommet de son art, allie ici une virtuosité transcendantale à une écriture et une forme musicale très élaborées. La composition de cette pièce spectaculaire rappelle celle de ses concertos et poèmes symphoniques, où les quatre volets du cycle symphonique se retrouvent condensés en un seul mouvement. L’œuvre commence par une introduction grandiose dont les arpèges, tel un feu d’artifice, s’épandent sur tout le clavier. Ensuite, le compositeur enchaîne trois sections dont chacune représente un thème suivi d’un cycle de variations. Le premier et le deuxième thèmes ne sont autres que la Folía (ou Folies d’Espagne) et la Jota aragonaise, très célèbres danses espagnoles, que l’on retrouve dans des œuvres de nombreux compositeurs. Le troisième thème, plus chantant, forme l’épisode central, un moment de répit avant le vaste finale qui reprendra et développera les trois thèmes dans un tourbillon époustouflant. Le point culminant est marqué par le retour emphatique de la Folía qui débouchera sur une coda tonitruante. Georges Bériachvili
Georges Bériachvili est pianiste et musicologue, lauréat du prix Simone et Cino del Duca de l’Institut de France, docteur en musicologie. Pour toute information visitez www.georgesberiachvili.com Dancing is one of the main sources from which music draws its forms, its codes, its motions, its inspiration. The recital recorded on this CD is a presentation of the universe of imaginary dancing, dreamt up and metamorphosed by the great composers of the XIXth century. The programme conjures up a diversity of countries and environments through pieces of different format and atmosphere, from the most concise to the most expansive, from the most intimate to the most brilliant, from the most simple to the most elaborate: here are just a few strokes to sketch the outline of an inexhaustible theme. Carl Maria von Weber (1786-1826) Invitation to the Dance op. 65 Invitation to the Dance ("Aufforderung zum Tanze") is one of the most famous pieces by Weber. From a historical standpoint, this is the earliest concert waltz, the beginning of a beautiful lineage, in which Chopin’s waltzes must be given pride of place. The piece was composed in 1819 and dedicated to the composer’s wife, Caroline. Weber has imagined a whole scenario that depicts, measure by measure, a dramatic development of the introduction and the coda: Bars 1-5: First appearance of the dances; 5-9: The lady’s evasive reply; 9-13: His pressing invitation; 13-16: Her consent; 17-19: He begins conversation; 19-21: Her reply; 21-23: He speaks with greater warmth; 23-25: The sympathetic agreement; 25-27: Addresses her with regard to the dance; 27-29: Her answer; 29-35: They take their places and wait for the commencement of the dance. The dance Ending: his thanks, her reply, and their retirement. In the XIXth century, the work was widely popularised by Berlioz’s orchestral arrangement. It has also received numerous choreographic adaptations. Yet, the Invitation to the Dance is first and foremost a brilliant piano piece, in which virtuosity is wholly subservient to the poetic imagery, in praise of the vitality, ardour and elegance of the waltz. Franz Schubert (1797-1828) Hungarian Melody D. 817 One day in the summer of 1824, Schubert is said to have heard a young maidservant singing a tune in Count Esterhazy’s kitchen. The composer immediately noted down the melody and used it later in the last movement of his Divertissement à la hongroise op. 54 for four hands. However, on this theme, he also wrote another, shorter piece for two hands, Hungarian Melody, which was only rediscovered and published in 1928. In Schubert’s time, Hungarian and Gipsy music were not usually differentiated. Schubert, according to various testimonies, was very keen on that Hungarian/Gipsy style. Aren’t the nostalgia and distant calls in this Hungarian Melody intimately in character with the nomadic and freewheeling life that Schubert himself used to lead? Robert Schumann (1810-1856) Papillons op. 2 This work, published in early 1832, is the first piece by Schumann where his artistic character asserts itself in its full individuality. The composition is made of a sequence of twelve miniatures following a brief introduction. It draws its inspiration from the novel Flegeljahre ("The Awkward Age"), by Jean Paul, one of Schumann’s favourite writers. The music is based on the plot of the final scene of the novel, a fancy-dress ball that brings together the twin brothers Walt and Vult—the one an ingenuous dreamer, the other impulsive and straightforward—both of them in love with the same young girl, Wina. Various dances and episodes take place. The young characters dance about and become ecstatic, trade masks, make confessions and rebel. The last piece features the Grossvatertanz, a German song from the XVIIth century, which was traditionally used to bring parties to a close. The clock in the tower rings six in the morning (a high A is sounded six times), the music drifts away... Despite the fact that Schumann found it hard for the listener to follow the musical narrative without being aware of the plot, he decided not to leave any clues in the score. He later stated that he had “underlaid the text to the music, and not the reverse”. The historians that have attempted to retrace the accurate story-line from the book have never fully agreed on the correspondences between text and music. On the other hand, a purely musical dramatic atmosphere ties together the pieces of Papillons by multiple threads. By exasperating contrasts, deepening musical characters, progressively expanding the pieces, repeating the motifs, these whimsical, nostalgic, gracious or impassioned pages are turned into a consistent work of art. Frédéric Chopin (1810-1849) Mazurka in A minor op. 17 no. 4 This piece, composed in 1833, is one of the most intimate and one of the most remarkable of the sixty-odd mazurkas written by Chopin. In a manner yet rare for the young composer, it is both supremely fragile and abysmally sad. Beyond its deceitful simplicity is concealed a huge wealth of musical characters. The main theme seamlessly welds together motifs that convey laments and dreams, passion and resignation, moaning and revolt... Dancing is reduced to a few restless rhythms, as well as the central episode—the dream of a rural idyll. Tarantella in A-flat major op. 43 Chopin’s Tarantella, published in 1841, is one of the very few forays of our composer outside the scope of his favourite dances (mazurkas, waltzes, polonaises) and also beyond the field of his usual style. This Italian folk dance, popularised by Rossini, probably did not provide Chopin with enough space to deploy his lyricism, his exquisite sensibility or his heroic pathos. The result is a kind of study in virtuosity, dense, imaginative and individual, written in almost too sophisticated style. We can here quote a witty review by Schumann: "This is in Chopin's most extravagant manner; we see before us the dancer, whirling as if possessed, until our senses seem to reel. To be sure, nobody could call this music lovely, but we willingly forgive the master for his wild fantasy." Pyotr Tchaikovsky Sentimental Waltz op. 51 no. 6 The waltz was a dance particularly dear to the heart of Tchaikovsky. His ballets, operas, romances, symphonies and other instrumental works are interspersed with waltzes brimming with melodic inspiration. The Sentimental Waltz, included in the six-piece collection op. 51 (1882), is one of his most dreamlike and intimate pages. Russian Dance op. 40 no. 10 The Russian Dance was composed in 1877, as a supplementary piece to the 3rd act of Swan Lake. The piano version was later included in the collection 12 Pieces of Medium Difficulty op. 40, on which the composer worked during year 1878. The first part of the piece is sweet and graceful in a typically Russian manner. There follows in the second part a frantic dance whose boldness is every bit as much in the national character. Alexander Scriabin (1872-1915) Mazurka in C-sharp minor op. 3 no. 6 The Ten Mazurkas op. 3, composed between 1888 and 1890, belong to the works from Scriabin’s early youth, when he was strongly influenced by Chopin. However, the individual character of the composer is already impetuously asserting itself. The sixth piece in the collection is a striking example of this. Highly original, it brings to mind the image of an almost otherworldly dance, a kind of apparition, at times fragile and fleeting, at times melancholy. Edvard Grieg (1843-1907) Grandmother’s Minuet op. 68 no. 2 The Grandmother’s minuet (1898) is taken from the ninth of ten books of Grieg’s Lyric Pieces. The 66 Lyric Pieces make up a kind of diary of the composer, which he dutifully kept nearly all along his career. This minuet—a dance long since relegated to the past—charms us by its good- natured humour, its simplicity and its fleeting nordic coolness. Franz Liszt (1811-1886) Spanish Rhapsody S. 254 The Spanish Rhapsody was composed by Liszt in 1863. The composer, at the height of his artistic skills, here combines his transcendental virtuosity with most elaborate writing and musical form. The composition of this dramatic piece recalls that of his concertos and symphonic poems, in which the four movements of the symphonic cycle are condensed into a single movement. The work starts with an awe-inspiring introduction in which the arpeggios, like fireworks, cover the whole span of the keyboard. Then the composer strings together three sections, each one beginning with a theme followed by a cycle of variations. The first and second themes are none other than the Folía (or “Faronel's Ground”) and the Aragonese Jota, very famous Spanish dances that we can find in the works of numerous composers. The third, more melodic theme, forms the central episode, a brief respite before the ample finale that will take up again and develop all three themes in a dazzling swirl of music. The climax is reached at the emphatic return of the Folia that leads on to a thundering coda. Georges Bériachvili
English translation by Pierre Bourhis Georges Bériachvili is a pianist, PhD in musicology, laureate of the Simone and Cino del Duca Award of the Institut de France. For more information, visit www.georgesberiachvili.com
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