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Musique, poésie, langage premier dont l’adulte a eu raison trop
tôt et qui revient à dire enchantement naissant. On lui a reproché
ses excédents de métaphores, alors que c’est sa propre
chair.
Contresens surprenant ou, plutôt, malentendu. La mère, qui
se souvient d’avoir été, aussi, une petite fille, commence par
chanter. L’enfant ne sait même pas ce que sont les notes.
Métaphores ? Qui sait ? Oui, une seule et même chose, un mariage
de l’origine. Le monde entier y a souscrit d’instinct. L’Europe y
a glissé de bouleversants chefs-d’oeuvre, dans le creux d’une
main. Et si une autre main vient à notre rencontre, pour faire
chanson, n’est-ce pas comme un retour à l’hospitalité primitive?
Lucien Guérinel
SUR LES MOTS D’UN COMPOSITEUR-POETE : LUCIEN GUÉRINEL
Il est des musiques qui, telles de la lave en fusion mettent vos
sens en ébullition et que seules l’épure de leurs formes,
l’élégance de leur style, l’évidence de leur discours, permettent
de fréquenter. L’on ne peut en effet se "remettre" (s’abandonner)
au feu de Dionysos qu’avec la distance requise par Apollon ! La
musique de Lucien Guérinel est à cette aune : sa rigueur
d’écriture canalise l’émotion à fleur de notes qui l’anime.
Mais Lucien Guérinel est aussi poète ! Et cette partie de sa
production s’offre à la fois à nous comme fragile, tendre,
sensuelle, voluptueuse ou encore animée d’un souffle et d’une
puissance qui vous submergent. Il faut cependant avoir lu sa
poésie pour ressentir combien sa musique lui est redevable... L’on
comprend alors pourquoi il fuit le discursif pour lui préférer la
fugacité de la miniature dans laquelle il aime celer les secrètes
images de sa poésie.
Le projet de ce CD réunit neuf compositeurs qui ont désiré rendre
à son œuvre poétique (quasi inconnue car réservée à son "jardin
secret ") l’hommage qu’elle méritait. Neuf créateurs qui
décidèrent, par cet acte de fraternité posé, de partager deux
valeurs fondamentales : la haute idée qu’ils ont de l’art qu’ils
pratiquent et l’affection qu’ils prouvent ainsi à celui à qui ils
rendent cet hommage commun. De quoi affirmer dès lors haut et fort
qu’il serait bien temps de considérer la Musique (au-delà des
styles, des esthétiques et des idéologies qui la parcourent en son
Histoire) comme une succession d'œuvres que l’on se doit
d’additionner et non de soustraire ou de diviser les unes par
rapport aux autres !
A ces compositeurs, se sont jointes avec enthousiasme la jeune
soprano Sophie Boyer et sa sœur, Marie-Elise, pianiste. Deux
artistes talentueuses qui ont décidé de prendre, ici, un chemin de
traverse : celui de l’amitié et de l’engagement musical plein et
total. Mais comment ne pas nommer maintenant Gérard Durantel,
éditeur de ce CD en son label et preneur de son dont
l’investissement, la gentillesse, le savoir-faire et l’humanité
ont fait que cet enregistrement fut pour tous une expérience de
vie mémorable. Pour nous tous, "cela" s’entend, et nous espérons
que vous, auditeurs, l’entendrez à votre tour.
Alain Féron
Jean-Marc JOUVE (né en 1950) - Chevelure
Lucien Guérinel, qui connaît ma grande réticence à me saisir de
la poésie des autres, comprendra ma démarche qui veut avant tout
privilégier la compréhension du poème, d’où la forme récitatif.
Ici, la densité poétique infléchit l’écriture vocale, celle-ci se
tenant au plus près de la prosodie. D’où un flux rythmique fécondé
à la fois par la scansion de la langue française et la psalmodie,
flux évoluant dans une écriture tantôt conventionnelle, tantôt
proportionnelle.
Enfin, bien loin d’être une illustration ou un
simple accompagnement, la partie de piano (qui malgré les
apparences ne comporte aucune rupture) est une émanation sonore, à
l’œuvre quand tour à tour elle suscite, enveloppe, précipite,
retient ou disperse le contenu poétique.
Alain FÉRON (né en 1954) - Dans les franges du Temps
(Cycle de 5 lieder : 1. Naissance de l’aube 2. Attente 3. Amour 4.
Tombée du jour 5. Mourir)
" Lied : une qualité profonde d’évidence et de sincérité ; mais
dans une ubiquité de l’expérience humaine (...) qui dépasse en
tableaux courts de vérité universelle tout ce qu’a pu prétendre
exprimer l’opéra (...) sur une conception neuve de la musique,
mais qui répond (...) à une immense loyauté de l’esprit et du
cœur, Schoenberg bâtira les fondements d’un univers. Ce lied-là
est une autre aventure. " Marcel Beaufils. C’est, de fait, dans
cette aventure-là que j’ai voulu inscrire ce cycle de lieder, en
toute modestie, sans aucune nostalgie envers le passé et en toute
conscience des enjeux de la modernité auxquels ma génération a été
confrontée et qui me définissent en tant que compositeur (ceux que
j’ai fait miens, bien entendu, mais aussi, tout aussi signifiants,
ceux que j’ai refusés ou contournés). Ceci, dans le respect de
l’éthos de ce genre ainsi que dans le souci constant de faire
résonner au plus profond - musicalement parlant - ces poèmes de
Lucien Guérinel.
Jean-Pierre LEGUAY (né en 1939) - Mouvement 60
La voix s’insinue doucement dans la trame pianistique, y puise et
y niche sa substance mélodique, ne surnage pas. Chantez très
simplement, sans appuis, sans déclamer, presque sans vibrer.
Davantage du côté de la récitation que du cantabile. Comme une
comptine égrenée dans l’intimité. Telles des nappes de nuages,
d’échos atténués, de souvenirs, le piano déroule puis laisse
s’évaporer ses enveloppes harmoniques, ses étagements de timbres,
quelques flocons épars, des tintements au loin.
Alessandro MAGINI (né en 1955) - Fusions
Il n'a pas été facile de choisir entre les nombreuses
"illuminations poétiques" que j'ai trouvées dans les livres de
Lucien Guérinel, un artiste qui à travers le son, la parole, les
images, a créé un univers poétique fascinant et original. J'ai
donc agi très instinctivement en imaginant un bref voyage dans les
oeuvres de cet artiste qui me tient particulièrement à coeur. Les
poèmes choisis se suivent l'un l'autre sans solution de continuité
et deviennent le matériel poétique pour un seul Lied.
Alain FOURCHOTTE (né en 1943) - Il y a...
J’ai choisi pour ma mélodie le poème : Il y a... extrait de La
Parole échouée 4 de Lucien Guérinel pour plusieurs raisons. La
première est la beauté intrinsèque de la langue. De là découle le
fait que tous les mots sont "chantables", je veux dire qu’ils se
prêtaient tout naturellement pour moi à une mise en musique. J’ai
opté pour une déclamation syllabique afin que soient intelligibles
les paroles et que soit ainsi rendue perceptible toute la finesse
des images poétiques. Mon langage musical est atonal mais
libre.
La partie de piano tend à une expressivité du discours
musical. Elle est plus qu’un simple accompagnement puisqu’ourlée
de brefs commentaires qui introduisent ou prolongent les parties
proprement chantées.
Alain GOUDARD (né en 1958) Vie, Espace mesurable (*)
Depuis de très nombreuses années, j’ai l’immense privilège de
cheminer avec l’homme compositeur, l’homme poète qu’est Lucien
Guérinel. Toutes ces facettes traduisent et nous font découvrir,
si l’on prend le temps de les accueillir, un homme qui tente de
dire, de nous faire partager ce que lui procure son chemin de vie,
sa manière de lire et de ressentir le monde. Son écriture poétique
nous renvoie au plus profond de nous-mêmes et à notre propre
fragilité humaine. Chacun prend conscience de son unicité et
devient, par là, présence. En cela, les deux poèmes intitulés Vie
et Espace mesurable entrent en résonance avec un cercle
d’écrivains, tels que Yves Bonnefoy, François Cheng ou encore John
Keats qui écrivait pour sa part:
Lapoésiedoitnousfrappercommel'expression,parmots,desplushautespensées,etnous
paraître presque une réminiscence. Une pensée qui est partage et
qui fait écho aux préoccupations de l’homme, du poète, du
compositeur qu’est Lucien Guérinel.
Patrice FOUILLAUD (né en 1949) - Pour qui la nuit ?
Ce poème de Lucien Guérinel, est juste et seulement un Médium
translittéré entre le poète et le musicien. Des mots, des couleurs
nocturnes qui font sens, et qui possèdent la force d’engendrer des
sons musicaux, ou comme le dit le poète lui-même "Des chants qui
se perdent et se répondent".
La nuit, c’est être à l’écoute. Etre
à l’écoute du silence, à l’écoute des bruissements de sons, à
l’écoute du temps, à l’écoute des appels ou des offrandes qui
peuplent la nuit. C’est aussi le recueillement et l’inquiétude.
Propice à la méditation, le titre pose d’abord un questionnement,
qui, à travers le prétexte de la nuit, (où il est question dans le
dernier vers de "l’astre et l’aube") nous ramène à notre propre
solitude.
Lucien GUÉRINEL (né en 1930) - Dandy aux champs
J'ai choisi le seul poème qui soit un jeu de mots, mon
illustratrice ayant dessiné une sorte de Dandy-crapaud avec un
haut-de-forme, au bord d'un champ qui lui ressemble presque. C'est
très court, comme les amusements...
Jonathan ZWAENEPOËL (né en 1984) - Femme
Dans cette mélodie, j’ai souhaité travailler l’épure et laisser un
accès le plus délicat possible au texte de Lucien Guérinel. Chaque
mot est prononcé dans la musique du langage. Le contour sonore du
piano est une réminiscence anticipée de la parole de cette femme
fantasmée à qui l’amour est exprimé. À la fin de cette mélodie
dense, sans développement, la voix qui est plus expressive, reste
mystérieuse avec un effet de timbre dû à une feuille de papier de
soie posée sur les lèvres de la chanteuse. Avec une écriture à la
main plus sensitive et adaptée à la poésie de Lucien Guérinel,
cette mélodie est une respiration nécessaire dans ma pratique plus
conceptuelle et numérique.
Nicolas ZOURABICHVILI de PELKEN (né en 1936) - Thème et
variations
Les deux raisons qui m’ont fait choisir ce poème sont d’une part
sa force, son intensité, et d’autre part sa structure. La forme
musicale m’était donc offerte sur un plateau. Le thème est une
progression harmonique assez longue, ce qui fait qu’elle ne se
répète pas dans les variations mais poursuit son chemin tout au
long de la pièce. Pour le chant, toujours guidé par le poème où
certains mots reviennent à des moments stratégiques, j’ai assigné
à chacun de ces mots une ligne mélodique qui se retrouve à chaque
fois que l’un d’entre eux réapparaît.
Quelques lignes sur le duo, par rapport à la musique
contemporaine :
Marie-Elise et Sophie Boyer se produisent régulièrement ensemble.
Elle ont la même envie de créer et interpréter la musique
contemporaine quand elles en ont la possibilité. Elles ont donné
récemment plusieurs concerts autour des mélodies et pièces pour
piano solo écrites spécialement pour elles par le jeune
compositeur mexicain Pablo Ramos Monroy. Elles ont interprété la
mélodie Cercle de Eric Tanguy au cours de l'un de ces concerts,
présenté par Eric Tanguy lui-même, à l’auditorium du conservatoire
du XIIème arrondissement de Paris.
Sophie Boyer
Formée tout d’abord à la Maîtrise de la Loire, Sophie Boyer se
consacre pleinement à l’art lyrique et intègre le CMSM de Lyon
puis à la Guildhall School of Music and Drama de Londres. Elle
rentre ensuite en France et continue de se perfectionner auprès de
Florence Guignolet pendant plusieurs années. Elle reçoit
l’enseignement de Cheryl Studer à Berlin, et se forme en mélodie
française auprès de François Leroux et Jeff Cohen. Elle est
finaliste du Concours International de Mélodie Française avec
Marie-Elise Boyer.
Sophie Boyer interprète de nombreux rôles sur
scène, notamment le rôle de Blanche de la Force (Dialogues des
Carmélites de Poulenc), Vénus dans L’Europe galante sous la
direction de William Christie, les rôles mozartiens qu’elle aime
particulièrement : La Reine de la Nuit, Pamina
(La Flûte enchantée), Zerlina (Don Giovanni), Despina (Cosi fan
tutte), Melia (Apollon et Hyacinthe) et les rôles romantiques tels
que Manon dans l'opéra de Massenet, Micaëla dans Carmen de Bizet,
Gilda dans Rigoletto de Verdi.
Elle chante régulièrement en duo
avec les pianistes Marie-Elise Boyer, Alissa Zoubritski et
l’accordéoniste Thierry Bouchet. Ce dernier l’a invitée plusieurs
fois à chanter dans son festival Musique au Présent (Mâcon) et ils
ont créé ensemble une pièce de Lucien Guérinel, sur commande du
festival, Une seule phrase sur un berceau de nuages. Sophie Boyer
a également présenté en avant-première un extrait du rôle de Marie
Curie, de l’opéra Madame Curie d’Elzbieta Sikora et aussi les
Mélodies orientales de Pablo Ramos Monroy. Elle collabore avec les
ensembles Accentus, (avec notamment une partie soliste sur le
disque Mantovani : Voices), Musicatreize pour un rôle dans un
opéra de J.P. Carreño au théâtre Colón de Bogotá.
www.sophieboyersoprano.com
Marie-Elise Boyer
Après des études de piano dans la classe de Roland Meillier, au
conservatoire de St-Etienne, puis au CRR de Paris dans la classe
de Jean-Marie Cottet où elle obtient un Premier Prix, Marie-Elise
Boyer se perfectionne en accompagnement au CRR de Lyon avec
Marie-Cécile Milan. Elle y obtient des Premiers Prix à l’unanimité
en accompagnement ainsi qu’en écriture. Elle poursuit ses études à
la Guildhall School of Music and Drama, à Londres, où elle
bénéficie de l’enseignement de Martin Roscoe.
Après l’obtention
avec mention d’un Master of Music et d’un Master of Performance en
accompagnement et en chef de chant, elle se perfectionne au
National Opera Studio à Londres pendant un an. Elle travaille
depuis en Allemagne comme chef de chant dans différents théâtres
allemands (Staatsoper Hamburg, Staatstheater Nürnberg, Theater
Bremen, Theater Kiel, Landestheater Coburg). Elle a par ailleurs
été invitée à l’Opéra du Cap (Afrique du Sud). Elle se produit
régulièrement lors de récitals de mélodie
et de musique de chambre. Passionnée par la mélodie et le lied,
elle a été finaliste du concours Nadia et Lili Boulanger à Paris
avec Eva Ganizate ainsi que du Concours International de Mélodie
Française de Toulouse avec Sophie Boyer. Elle a obtenu le Premier
Prix du concours Elsa Respighi à Vérone (Italie) en octobre 2018
en duo avec la soprano canadienne Leah Gordon ; elles ont
également été finalistes du concours Brahms à Pörtschach
(Autriche) en Septembre 2019.
www.marieeliseboyer.org
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