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Sergueï Rachmaninoff * 1er enregistrement / first recording
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"À partir de quand peut-on dire qu’une œuvre est un opus 1 ? "
C’est une question qui en tant que compositeur m’a souvent été
posée. Il est vrai que la décision d’un artiste de créer son
propre catalogue en y posant sa première pierre reste un mystère,
et rien en effet, à ma connaissance, n’a été écrit sur ce sujet si
subjectif. Les partitions éditées sans autorisation du compositeur ou de
l’héritier du temps de l’Union Soviétique sont imprimées sans
corrections et totalement dépourvues de nuances, d’indications de
variation de tempi et de phrasés. La première édition officielle
de certaines pièces aux éditions Sikorski ne m’a pas énormément
aidé, car elle n’a fait qu’épurer certaines lignes difficilement
lisibles et rajouter des phrasés, des indications de nuances et de
progression que le texte suggérait. Les Trois Nocturnes sont les toutes premières pièces de Rachmaninoff connues et ont été publiées illégalement par Muzgiz en 1949. Elles sont datées n° 1 du 14-21 novembre 1887, n° 2 du 22 au 25 novembre 1887 et n° 3 du 3 décembre au 12 janvier 1888. Dépourvues de nuances, ces pièces n’ont rien en commun avec l’ambiance planante et rêveuse des Nocturnes de Chopin. En effet, il m’a été difficile de m’imaginer la raison pour laquelle Rachmaninoff a nommé ces pièces ainsi, car cette musique n’a rien de ‘nocturne’, bien au contraire. La dernière page du troisième Nocturne a été perdue et les six mesures de fin sont une reprise du début, car il était impossible pour la pièce de se terminer sur le dernier point d’orgue. La Suite en ré mineur est l’œuvre maîtresse de cette période. Le manuscrit d’une composition pour piano sans numéro d’opus a longtemps été préservé dans les archives du musée Glinka jusqu’en 1964 ; ensuite, l’œuvre a été transférée aux archives d’Alexandre Siloti. L’absence de page de garde indiquant un titre et le nom du compositeur, ainsi que la calligraphie de l’autographe ont rendu aux musicologues la tâche d’attribution particulièrement difficile. La période de création a ensuite été établie autour de ses années d’études au conservatoire. Dans une lettre datant du 6 janvier 1891, Rachmaninoff raconte à N. Skalon : "Depuis deux jours et demi, je n’ai pas arrêté d’écrire. Je viens juste de finir l’orchestration de ma Suite. Tout est bien, sauf qu’après l’avoir jouée au piano, ma main droite m’a terriblement fait mal…". Dans sa lettre du lendemain, il écrit : « Quant à ma Suite pour orchestre, je n’ai pas eu de succès : ils ne vont pas la jouer, car elle est écrite pour un orchestre symphonique qui contient des instruments que nous n’avons pas ici au conservatoire. Donc je vais devoir attendre l’année prochaine quand j’aurai trouvé une occasion pour organiser un concert tout seul, et je la jouerai alors. Je l’ai donnée à Tchaïkovski pour qu’il la regarde : je lui fais confiance implicitement pour tout. » L’histoire de la Suite reste cependant dans le flou. Une chose est certaine : les premières mesures d’ouverture rappellent étrangement le début du Prélude op. 3 n° 2 et surtout le début du Deuxième Concerto. Les sources placent la date de composition du Canon, petite pièce de maîtrise (1ère pub. illégale par Muzyka en 1983), entre 1889 et 1892. Rachmaninoff a eu une période de grand travail contrapuntique pendant ses années d’apprentissage, pendant lesquelles il n’hésita pas à exploiter les acquis des cours de Taneïev et Arensky. Le Prélude en fa majeur (20.7.1891) est la seule pièce à avoir été reprise par son auteur. Rachmaninoff a retravaillé cette pièce dans son opus 2 (Deux Pièces pour violoncelle et piano – 1892) et l’a également intitulé Prélude. La pièce la plus conséquente est la Fugue en ré mineur, éditée
sans l’autorisation du compositeur en 1940 par Muzgiz, à Moscou.
La première chose qui m’interpella en la déchiffrant fut la
largeur incroyable des mains pour lesquelles ce morceau avait été
composé ; ce sont des mains d’adulte, et bel et bien celles d’un
adulte pianistiquement très averti, demandant une grande souplesse
digitale pour arriver à prendre les accords très larges sans être
tendu du bras ! Indépendamment du style du jeune artiste, déjà
bien différent de celui de son camarade de promotion Alexandre
Scriabine, qui, âgé d’environ un an de plus, composait également
ses premières pièces, et de la maturité de composition de l’œuvre,
sa qualité de mélodiste, qu’il gardera toute sa vie, est déjà
apparente. La pièce a été éditée sous l’Union Soviétique sous le
nom de Pièce en ré mineur. En fait, l’esquisse qui fut utilisée
pour cette édition n’était pas complète et contenait deux
suggestions de modifications, dont deux mesures qui ont été
barrées dans le manuscrit, à certains endroits tellement illisible
que l’éditeur a mentionné la possibilité d’inexactitudes dans la
retranscription imprimée, mais les trois feuillets qui la
composaient pouvaient se jouer sans que l'on s’aperçoive qu’il
manquait les deux feuillets intermédiaires du développement.
Ainsi, Sikorski édita en 1992 cette pièce telle quelle en y
rajoutant quelques nuances évidentes pour un pianiste
professionnel. Le manuscrit était non signé, sans titre, paraphé à
la dernière page et daté ‘fin ‘89’. Rachmaninoff avait
originalement noté le texte à quatre temps et ensuite corrigé la
mesure en valeurs ternaires. Les Quatre pièces pour piano ont été publiées illégalement chez Muzgiz en 1948. Bien que la date 1887 apparaisse au crayon, rajoutée par une main étrangère, et que l’éditeur note cette date comme la date originale de composition, les dernières recherches musicologiques montrent que la date de création serait plus vraisemblablement située autour des années 1891/92, après le cycle de Lieder de 1890/91, qu’il voulait nommer opus 1. Ces omissions volontaires montrent que Rachmaninoff refusa à plusieurs reprises l’édition de ses pièces avant la révision finale des manuscrits. L’opus 1 fut finalement accolé au Premier Concerto pour piano, seulement après la publication de son arrangement pour deux pianos. La troisième pièce, la Mélodie porte un titre qu’il attribuera plus tard à une pièce de son opus 3 (1892) ; elle sera d’ailleurs également révisée des années plus tard quand il aura émigré aux Etats-Unis. La dernière pièce est une gavotte à 5/4, rythme que Rachmaninoff n’utilisera qu’une deuxième fois dans sa vie avec son poème symphonique L'Île des morts op. 29. Là aussi, l’effet massif de l’écriture pianistique est dû à la forte utilisation des doublures et octaves aux deux mains. Une réelle découverte dans mes recherches d’œuvres rares : les Quatre Improvisations (St-Pétersbourg, automne 1896, publiées par Taneïev et éditées par K. Kouznetzov en 1915-26 à Moscou) sont uniques dans leur genre. Il n’était pas rare à l’époque de voir différents compositeurs s’unir pour faire un ‘bœuf’ et composer une pièce à plusieurs. Ainsi naquit par exemple, deux générations auparavant, le fameux Hexaméron, une succession de variations sur un thème de l’opéra I Puritani de Bellini, composé par six compositeurs contemporains : Liszt, Thalberg, Pixis, Czerny, Herz et Chopin. Les professeurs de composition du jeune artiste, Anton Arensky, Serge Taneïev, Alexandre Glazounov se sont réunis autour de leur élève, vraisemblablement pour une farce musicale, et ont écrit une improvisation grotesque sur le papier. La chose amusante est que les compositeurs se succédant alternativement ont parfois continué une phrase musicale en plein milieu du discours du précédent. Sur la partition sont inscrits les noms de chaque artiste précisément à l’endroit même de son intervention. Le Morceau de fantaisie date du 11 janvier 1899. La pièce de très
courte durée a été intitulée Delmo, mot dont l’origine reste
aujourd’hui encore inconnue. Enguerrand-Friedrich Lühl-Dolgorukiy Bocholt, été 2009
Après avoir terminé brillamment ses études de piano à la Schola Cantorum, Enguerrand-Friedrich Lühl-Dolgorukiy complète sa formation en entrant à 15 ans au CNSM de Paris. 3 ans après, il obtient un Premier Prix de piano à l’unanimité. Parallèlement à son cursus de piano, il suit des cours d’analyse musicale, de jazz, de musique de chambre, de direction d’orchestre, d’harmonie et de contrepoint avec une passion grandissante. Après ses études, il entre dans le monde charismatique du Concours International et s’y consacre pleinement. Dès 1998, il devient lauréat de plusieurs concours, dont notamment Rome, Pontoise et le Tournoi International de musique. Depuis, il fréquente les grandes scènes d’Europe (récitals, musique de chambre, avec orchestre). La presse le qualifie unanimement de concertiste international. Il travaille depuis 2005 pour le compositeur américain John Williams, pour lequel il transcrit les partitions de ses plus grands thèmes de musique de films pour piano seul et deux pianos. Il a enregistré en 2003 le CD « John Williams au piano vol. I » avec ses propres arrangements des plus grands thèmes d’Hollywood pour piano seul. Son catalogue de compositeur est considérable : six ymphonies, deux concertos pour piano, de la musique de chambre, diverses pièces pour soliste et orchestre, environ 120 pièces pour piano seul, des orchestrations et réductions, une musique de film...
The Three Nocturnes are the very first pieces of Rachmaninoff
known and published illegally by Muzgiz in 1949 ; they are dated
“n° 1 November 14th-22d 1887”, n° 2 “November 22d-25th 1887” and
n° 3 “December 3d/ January 12th 1888”. Devoid of any nuances these
pieces have nothing in common with the dreamy atmosphere of the
Chopin Nocturnes. The Suite in d minor is a master piece of this period which
survived. The manuscript of a piece for piano without an opus
designation was for a long time kept confidentially in the
archives of the Glinka museum up until 1964 ; then the work was
transferred to the archives of Rachmaninoff’s cousin Alexander
Siloti. The absence of a front page indicating the title and the
name of the composer as well as the signature made the
musicologist’s task of attributing a composer to the work
difficult. The period of composing was consequently established
around his years of study at the conservatory. In a letter dated
January 6th 1891, Rachmaninoff told N. Skalon : “For two and a
half days now I have not stopped writing. I have just finished the
orchestration of my suite. Everything is well, except after
playing it on the piano, my right hand felt sore…” In his next
letter, the day after, he wrote : “Regarding my suite for
orchestra I didn’t have any success. They are not going to play
it, because it is written for a symphony orchestra which features
instruments which we don’t have here at the conservatory. So I’m
going to have to wait until next year when I will find an
opportunity to organize a concert of my own and I will perform it.
I gave it to Tchaikovsky to have a look at and I trust him
implicitly about everything.” The story of the suite remains
unclear. However, one thing is certain : the first opening bars
remind one strangely of the beginning of the Prelude op. 3 n° 2
and especially the beginning of the Second Concerto. The Prélude in F Major (20.7.1891) is the only piece to have been revised by the author. Rachmaninoff reworked this piece in his opus 2 (Two Pieces for cello and piano – 1892) and he also called it Prelude. The first great piece of importance is the Fugue in d minor,
edited without the composer’s authorization in 1940 by Muzgiz in
Moscow. The first thing that struck me during my decrypting was
the size of the hands necessary to play this piece; although only
very young at the time, Rachmaninoff had already the hands of an
adult, technically very far advanced which demanded great finger
skills in order to play the notes without being stretched to the
limit. Independently of the young artist’s style, already very
different from that of his class mate Alexander Scriabin, who
about a year older, Rachmaninoff was already composing his first
pieces, and from the maturity of the composition and its melodic
quality, something he would keep for the rest of his life, was
already apparent. The piece was edited under the Soviet Union and
entitled piece in d minor. The sketch which was used for this
edition was incomplete and contained two suggestions for changes
of which two bars were crossed out in the manuscript. The
manuscript was so unreadable in certain places that the editor
felt obliged to mention the possibility of confusion in the
printed version. But the three pages making up the manuscript
could be played without one noticing that there were two pages
missing from the manuscript. So Sikorski printed in 1992 this
piece as it was and added some interpretation comments which are
obvious to professional players. The manuscript is an unsigned
pencil draft, dated at the end « fin ‘89 » (in French meaning “end
of...”). Rachmaninoff originally wrote the music in 4/4 time,
later changing this to 12/8 time. The Four Pieces for piano were published illegally by Muzgig in
1948. Although the year 1887 appears pencilled in in a foreign
hand amending Rachmaninoff’s autographed title page for each
manuscript, recent research now dates these copies from 1891/92,
after the 1890/91 collection of songs Rachmaninoff initially
intended as his op. 1. These types of omissions suggest
Rachmaninoff decided against publication of these pieces before
the final proofreading of the manuscripts. Opus 1 was reassigned
to the First Piano Concerto only after the publication of the
two-piano arrangement in 1894. A real discovery during my search for rare works by Rachmaninoff : the Four Improvisations ‘St Petersburg, autumn 1896 published by Taneiev and edited by K. Kuznetzov in 1915-26 in Moscow) are unique. It wasn’t unusual at that period to see several composers getting together for fun to compose a piece of music. Two generations previously, the famous Hexameron, a succession of variations on a theme from the opera I Puritani by Bellini, was composed by six contemporary composers : Liszt, Thalberg, Pixis, Czerny, Herz and Chopin. Rachmaninoff’s teachers, Anton Arensky, Serge Taneiev and Alexander Glazunov came together with their student, probably to create a musical farce, eventually writing a grotesque improvisation. The amusing point is that the composers alternated with each other and composed a musical phrase while still conversing. On the score are written the names of all the artists at exactly the spot where they composed their contribution. The Fantasy Piece dates from January 11th 1899. The very short piece is entitled Delmo, whose meaning today still remains a mystery. The last youthful work by Rachmaninoff is a Fuguette in F Major. It is dated February 4th 1899. A year later, Rachmaninoff, still suffering from depression, composed his Second Piano Concerto which assured him posterity. Enguerrand-Friedrich Lühl-Dolgorukiy, Bocholt, 2009
Enguerrand-Friedrich Lühl-Dolgorukiy was born in Paris in 1975. He started his studies as a pianist at the Schola Cantorum then completed his training by entering the CNSM of Paris aged 15. Three years later he obtained first Prize for piano. Parallel to his piano cursus he studied music analysis, chamber music, orchestral conducting, harmony and contrapoint. Since 1998 he has won several international competitions and plays at prestigious venues throughout Europe. The press is unanimous in considering him as an international concert pianist. His 1300 pages of musical arrangements will be edited at a future date. His composer’s catalogue is impressive : six Symphonies, two piano concertos, chamber music, various pieces for soloist and orchestra, around 120 original pieces for piano, orchestrations and arrangements, film music…
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