|
|
Rencontrer Albert Roussel
Rencontrer Albert Roussel, c’est
entrer dans un univers où la fioriture est incongrue mais sans
rigidité, où le son ne s’appuie pas seulement sur l’harmonie mais
sur les enlacements de la mélodie et du contrepoint, où fureur
titanesque et douceur enfantine se conjuguent pour créer des
univers antagonistes et cependant amis. Parfois, on frôle le
sériel : les sons s’éraillent, s’altèrent, se distordent, semblent
sur le point d’éclater en cristaux de dissonances ; et, soudain,
se fondent en un murmure harmonieux. La bitonalité, également si
chère à Milhaud, et les gammes modales viennent compléter
l’influence karnatique de l’écriture rousselienne : peut-être le
compositeur s’était-il, malgré sa défense, laissé imprégner lors
de ses voyages en Inde par ces modes venus d’ailleurs (“Ce ne sera
pas du tout de la musique extrêmeorientale, mais simplement des
sensations éprouvées là-bas et traduites dans notre langage
musical ordinaire” disait-il à ce propos).
Si la valeur de son oeuvre pour piano a longtemps été éclipsée par
ses compositions symphoniques (3ème symphonie, Festin de
l’Araignée, etc.), cet “aventurier rigoureux” aux deux époques,
aux deux natures, fait de mer et d’amour, nous ouvre cependant des
perspectives aussi riches que la poignante interrogation de Doute
et la joie simple et échevelée de La Bourrée.
Étonnantes Rustiques aux titres romantiques si évocateurs et dont
la fraîcheur se renouvelle à chaque pièce ! De la Danse au bord de
l’eau en ré mineur modal, continuelle alternance de rythmes à
trois et deux temps, empreinte d’une douce nostalgie quelque peu
teintée d’un discret “debussysme”, au Retour de fête joyeusement
animé, Roussel nous fait passer par la Promenade en forêt dont
l’exquise poésie et les délicates harmonies entremêlées devaient
très certainement inspirer son élève Satie...
Sa rigueur, quasi monacale par souci de dépouillement, transparaît
dans le Prélude, malgré sa violence, et la Fugue où sa richesse
architecturale n’a rien à envier à J.S. Bach (qui, par les lettres
de son nom, en est l’inspirateur).
Tout le talent du contrapuntiste, ancien élève de d’Indy, éclate
dans ce Petit Canon Perpétuel, qui s’égrène doucement, tout en
nostalgie, jusqu’à ce que l’étendue du clavier ne permette plus de
continuer.
La tendresse infinie qu’il révèle dans le Conte à la Poupée laisse
entrevoir l’univers du père qu’il n’a pu être et effleure le
sublime dans la pureté.
Et l’Accueil des Muses, écrit pour le Tombeau de Claude Debussy,
sévère, austère comme un cortège funèbre malgré le chant doux à
l’aigu qui survole ce discours si sombre, est l’hommage contrasté,
de pianissimi murmurés en fortissimi déchirants, de Roussel au
grand compositeur : l’oeuvre se termine sur une valeur de ronde,
un souffle presque éternel.
La valse sur laquelle s’ouvre Des heures passent, tragiques puis
légères, nous interroge gravement sur deux pages avant d’éclater
en rutilances élégantes et aériennes : l’écriture est toujours
contrastée dans un souci d’équilibre, comme si Roussel nous
invitait à traverser dans ses oeuvres les fluctuances de la vie,
de la mer... On passe du funèbre au lyrique sans même le temps
d’un soupir, juste assez pour s’émouvoir dans des douceurs de
berceuse ou couler dans les profondeurs afin de fuir les
martèlements lancinants d’une main gauche obstinée. L’heure
Joyeuse s’envole sur des crescendos délirants de gaieté puis,
après un intermède rêveur qui n’est pas sans évoquer Chopin, nous
revenons à la petite danse paysanne du début. L’heure Tragique,
mélancolique et noire comme la mort, aux accords profonds, aux
sonorités douloureuses précède la fuite sur une pirouette
Champêtre, laissant les interrogations les plus métaphysiques sans
réponse pour s’échapper en une fugue alerte, légère, superbement
développée et magnifiquement échevelée !
Puis viennent les oeuvres maîtresses : la Suite en fa dièse, les 3
Pièces et la Sonatine. Le Prélude de la Suite fut inspiré au
compositeur par la mort d’un homme tombé à la mer sous ses yeux :
du bateau, Roussel lui lance une bouée ; en vain : l’homme se
noie. Profondément ébranlé, confronté à ses propres
questionnements sur la mort, il se réfugie dans l’écriture de
cette oeuvre poignante, qui part du néant pour y revenir après une
vaine révolte, et s’achève dans la résignation devant le grand
mystère de la mort. La Sicilienne en fa dièse majeur apaise l’âme
avec sa douceur caressante et son incessant balancement. Puis
viennent la Bourrée et ses éclairs de vie alternant avec les sons
les plus feutrés, timbrée, martelée, transformant le piano en
véritable instrument à percussion : ah, l’importance du rythme
chez Roussel ! Le rythme cadre le souffle de son inspiration comme
le coeur permet au poète de vivre ; il est l’énergie de son
oeuvre, le battement de son sang : Roussel nous le fait vivre
ainsi.
Et la Suite s’achève sur la Ronde, toute en fraîcheur,
papillonnante, qui est l’oeuvre la plus
populaire du compositeur.
Les Trois Pièces, dédiées au grand pianiste Robert Casadesus, sont
la dernière oeuvre pour piano composée par Albert Roussel. La
première, rapide et brillante, n’est pas sans évoquer le Bartok de
l’Allegro Barbaro ; ponctuée d’accords violents, elle est brève et
maintient d’un bout à l’autre une tension qui paraît ne jamais
devoir se relâcher. L’Allegro grazioso en forme de valse qui la
suit est fluide, tout en légèreté ; puis le chant s’accélère, les
accords de la main gauche se font percussifs, bousculant ce qui
aurait pu n’être qu’une superficielle bluette et l’oeuvre se
termine dans un tempo effréné. La troisième pièce est un joyeux
babil, sans pesanteur, et son andante, une méditation qui déroule
ses sombres harmonies jusqu’aux limites de l’exaspération (3 fff)
avant de ramener le premier thème. C’est dans la Sonatine,
composée de quatre mouvements groupés deux par deux, que Roussel
mérite l’appellation de néo-classique : d’aucuns ont comparé cette
oeuvre à une sonate de Mozart ; son développement obéit au modèle
bithématique des grands compositeurs de l’époque classique ; si la
première partie du premier mouvement apparaît faussement légère et
conserve jusqu’au bout son aspect énigmatique, le scherzo, lui,
évolue sans plus de consistance que le vent, insolite par le
battement constant des octaves de la main
droite. Lent, intense comme une profonde méditation, la première
partie du deuxième mouvement recherche les plus riches sonorités
pour servir une profonde réflexion mystique ; et, après une basse
percutante, lancinante, c’est sur un babillage ininterrompu entre
les deux mains, sur un rythme de trois et deux temps alternés une
fois encore, sur un débit haletant de plus en plus rapide que se
termine l’oeuvre : la passion de Roussel pour le piano, tellement
liée à sa mère tant aimée et trop tôt perdue, trouve là son
expression la plus complète. “Je vous considère, avec toute ma
conviction, comme le plus grand compositeur français de notre
temps”, écrivait Dimitri Mitropoulos à Roussel le 21 avril 1934.
Peut-être avait-il su découvrir, derrière l’homme lisse, courtois,
discret jusqu’à l’effacement qu’était Albert Roussel l’être
tourmenté, déchiré entre une lancinante obsession de la mort et
une féroce passion pour la vie, entre les profondeurs de l’âme et
les grands espaces sans horizon, qui animait le compositeur ?...
Michelle N’Kaoua
Désiré N’Kaoua, piano
Dès son plus jeune âge, Désiré N'Kaoua, pianiste français né à
Constantine, manifeste des dons exceptionnels qui lui permettront
d'être, à 18 ans, 1er Prix du CNSM de Paris, de se perfectionner
avec Marguerite Long, Lucette Descaves et Lazare Levy, et de
devenir soliste de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. À 27 ans,
il obtient le titre envié et rarement décerné de 1er Grand Prix du
Concours International de Genève. II remporte également la
Médaille d'Or du Concours International de Vercelli, le 1er Prix
du Concours Alfredo Casella de Sienne, et devient Soliste
d'Honneur de l’Académie de Sienne. Dès lors, il effectue de
nombreuses tournées en Europe et aux États-Unis. Le succès que
remportent ses concerts fait de lui, à plusieurs reprises, le
soliste invité par les plus grands orchestres : l'Orchestre
Philharmonique de Berlin, de Varsovie, de Prague, de Budapest,
l'Orchestre de la Philharmonie Nationale de Bucarest, l'Orchestre
de la Suisse Romande, le Nouvel Orchestre Philharmonique de
Radio-France, l'Orchestre de la R.A.I., l'Orchestre de Chambre de
Berlin, etc. En 1988, Maître Marcel Landowski, secrétaire
perpétuel de l'Académie des Beaux Arts, le décore des insignes de
Chevalier dans l'Ordre National du Mérite au titre d'Ambassadeur
de la Musique Française à l'étranger. En 1989, il donne à Lyon son
millième récital. Ajoutons que son nom est déjà cité dans de
nombreux ouvrages musicologiques, qu'il figure dans le fameux
Dictionnaire Allemand de Musicologie de Hugo Rieman et dans le
Dictionnaire des Interprètes (Ed. Robert Laffont). Parallèlement à
sa carrière de soliste international, Désiré N'Kaoua, dont la
valeur pédagogique a, depuis longtemps, dépassé le cadre de nos
frontières, est professeur honoraire au Conservatoire Supérieur de
Musique de Genève et celui de Versailles. II est professeur tuteur
en pédagogie près le Conservatoire National Supérieur de Musique
de Paris et participe à de nombreuses Master-classes dans le cadre
de stages et de concerts en France et à l'étranger. Désiré N'Kaoua
enseigne aujourd'hui dans deux des plus prestigieuses écoles du
piano français : l'École Normale de Musique de Paris et la Schola
Cantorum. Ses activités complémentaires d'interprète et de
pédagogue font qu'il est régulièrement membre du jury de concours
nationaux (tels que les C.A. de piano et de culture musicale) et
internationaux (comme le Concours International Dinu Lipatti à
Bucarest où il représenta la France en juin 1997). Sa passion de
la musique trouve aussi sa réalisation dans de nombreux
enregistrements de disques compacts (Chopin, Schubert, Mozart,
Alain, Chabrier, Ravel, Fauré etc.). II est, de plus, directeur de
Collection Urtext aux Éditions Lemoine (Intégrale des 24 Préludes
et des Mazurkas de Chopin, entre autres). Désiré N'Kaoua a fondé
en 1986 le concours de Sonates de Vierzon ; puis en 1988,
l'Académie Internationale de Musique des Pays de la Loire ainsi
que le Festival Estival de Guérande, et, en 1991, le concours
international de Musique française. En 1997, Désiré N'Kaoua a été
promu, sur proposition du Premier Ministre, Officier de l'Ordre
National du Mérite, toujours au titre d'ambassadeur de la Musique
Française à l'étranger. Il est actuellement le seul pianiste à
interpréter l'Intégrale des oeuvres pour piano de Ravel en une
seule soirée.
en
écoute : Des heures passent, Joyeuses
Accueil | Catalogue
| Interprètes | Instruments
| Compositeurs | CDpac
| Stages | Contact
| Liens
• www.polymnie.net
Site officiel du Label Polymnie • © CDpac • Tous droits
réservés •
|
|
|