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Sonates violon et piano
Les œuvres choisies par
Jean-Baptiste Fonlupt et Éric Lacrouts sont toutes trois
postérieures à la défaite française de 1870 qui marqua une rupture
nette, sur le plan musical comme sur bien d’autres. Fut remis en
cause le genre jusque-là privilégié de l’opéra et revendiquée une
veine esthétique française.
Toutes trois entrèrent ainsi dans le répertoire sous les auspices
de la Société nationale de musique fondée en 1871 par Romain
Bussine et Camille Saint-Saëns. Avec pour devise "Ars gallica",
elle cherchait à promouvoir la musique française, notamment
instrumentale, à la délivrer de l’empreinte germanique et à
permettre à de jeunes compositeurs de rencontrer un public. Toutes
trois encore relèvent d’un genre instrumental plutôt négligé en
France au cours des deux premiers tiers du XIXème siècle, la
sonate associant au piano un instrument soliste. Parallèlement, la
virtuosité d’interprètes du violon formés à Paris ou en Belgique,
Vieuxtemps, Sarasate ou Ysaÿe notamment, incitait les compositeurs
à enrichir ce répertoire. Cet engouement au tournant du siècle
trouve une expression parfaite chez Marcel Proust et ses célèbres
évocations de la Sonate de Vinteuil : [à noter la Sonate dite de
Vinteuil de Claude Pascal POL 210 579]
ses modèles seraient justement, entre autres, les sonates de
Gabriel Fauré et de César Franck.
Les deux sonates où Gabriel Fauré (1845-1924) fait dialoguer le
violon et le piano encadrent son parcours créateur : la première
composée en 1876 est l’œuvre d’un jeune musicien ; la seconde, de
1916, sort de la plume d’un personnage arrivé, directeur du
Conservatoire de Paris et membre de l’Institut.
La Sonate op.13 fut écrite
de 1875 à 1876 à Sainte-Adresse. Fauré la dédie au violoniste Paul
Viardot, fils de l’incomparable cantatrice Pauline Viardot et
frère de sa toute récente et éphémère fiancée, Marianne. Elle est
créée le 27 janvier 1877, lors d’un concert de la Société
nationale de musique par Marie Tayau et le compositeur au piano.
Le succès est immédiat et la Sonate restera l’une de ses œuvres
les plus jouées de son vivant. Lui-même l’interprètera souvent,
avec Eugène Ysaÿe, Jacques Thibaud, Johannes Wolff ou Georges
Enesco. Elle résonne encore d’accents romantiques qui, dès le
fougueux préambule de l’allegro initial, s’échappent d’une
structure très classique en quatre mouvements et rehaussent une
mélodie d’une délicate expressivité. Les deux voix instrumentales
sont traitées à égalité en d’amples mais toujours subtils
échanges, alternant confrontation et fusion dans les deux
mouvements centraux : un andante tendre et un scherzo agile et
primesautier (où abondent pizzicati et staccati).
Fauré, musicien consacré, revient à cette forme au cours de l’été
1916 pendant un séjour serein près d’Évian. Le climat dans lequel
s’ouvre la Sonate op.108 est pourtant des plus sombres
avec un rythme agité et une harmonie tendue. A ce long mouvement
complexe succède un instant d’apaisement qui renoue avec la
tonalité élégiaque (La Majeur) de la première sonate mais est
traversé d’inquiétude dans le chant du violon. Le troisième et
dernier mouvement intègre un thème-refrain agile et pur comme
l’eau d’un ruisseau. L’ouvrage dédié à la reine Elisabeth de
Belgique, violoniste elle-même, fut une fois encore créé à la
Société nationale de musique le 10 novembre 1917 par Louis Capet
avec Fauré toujours au piano.
Conforme au style de la maturité du compositeur, cette sonate
n’est plus d’un abord immédiat. Tesselles mélodiques et éclats
harmoniques semblent s’y succéder sans que la logique interne
n’apparaisse à l’auditeur qui doit s’abandonner "à leur lumière
changeante, leur atmosphère marine, l’envol des lignes du violon
sur le miroitement infini des arpèges du piano, leur force vitale,
leurs éclats soudains." (Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré : les
voix du clair-obscur, Paris, Fayard, 2008, p. 524).
La Sonate pour violon et piano
qui fut longtemps tenue pour l’emblème du genre est celle, en La
Majeur, de César Franck (1822-1890). Elle est aussi l’une des plus
choyées par les musiciens et les mélomanes qui ne peuvent que
succomber à son inspiration puissante et bouleversante. Composée
en 1886, elle est dédiée à Eugène Ysaÿe, Belge lui aussi, qui la
créa à Bruxelles le 16 décembre et la défendit souvent lors de
nombreux concerts. Cette sonate, œuvre d’un maître du clavier (de
l’orgue en particulier) est pensée pour le piano avec
accompagnement de violon dont la partie n’est jamais chargée de
traits mais déploie une ligne mélodique proche de la voix chantée.
Son troisième mouvement est d’ailleurs intitulé
Recitativo-Fantasia.
Classique par ses quatre mouvements, l’œuvre présente une forme
cyclique qui oriente un parcours souple par divers humeurs
rythmiques et climats harmoniques - faisant par instant côtoyer
les univers de Schumann, Beethoven ou Bach - autour de quelques
thèmes simples et sublimement mélodieux que l’auditeur mémorise
aisément et ainsi reconnaît toujours. "Mais quand on aura constaté
que toute l’architecture de la sonate est réductible à un simple
intervalle de tierce et à trois thèmes principaux, qu’aura-t-on
dit de son essence ? Beaucoup moins de choses finalement que ce
que la "petite phrase" dont Swann et Odette font "l’air national"
de leur amour nous apprend sur la sonate de Vinteuil." (Joël-Marie
Fauquet, César Franck, Paris, Fayard, 1999, p.633).
Elisabeth Giuliani
Né en 1976 au sein d’une famille de musiciens, Eric
Lacrouts commence l’étude du piano et du violon dès l’âge de six
ans. Après avoir obtenu les plus hautes récompenses de violon
(classe de Jacques Ghestem) et musique de chambre (classes de
Régis Pasquier et Itamar Golan) au CNSM de Paris, il intègre son
très sélectif cycle de perfectionnement.
A l’issue de ses études en France, il aiguise son jeu auprès de
grands maîtres tels qu’Igor Oistrakh, Yair Kless, Hermann
Krebbers, Philippe Hirshorn et Joseph Silverstein.
Il se produit
dans de nombreux festivals européens entouré d’artistes tels que
Salvatore Accardo, Bruno Giurana, Antonio Meneses, Régis et Bruno
Pasquier, Denis Pascal et Cédric Tiberghien. Eric Lacrouts est
dédicataire et créateur d’œuvres de Lucien Guérinel, Gérard
Gastinel et Emmanuel Séjourné.
Au disque, son interprétation des Sonates d’Ysaÿe pour violon seul
(label Klarthe) est salué par la critique (Diapason, Classica,
Resmusica...). Il est violon solo de l’Orchestre de l’Opéra
National de Paris et membre depuis 2010 du World Orchestra for
Peace sous la direction de Valery Gergiev.
Éric Lacrouts joue un
violon de Petrus Guarneri de 1730 et un archet de Christian Barthe
de 2015.
Jean-Baptiste Fonlupt a étudié au CNSM de Paris
auprès de Bruno Rigutto, au Royal College of Music de Londres chez
Yonty Solomon, au Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou avec Elisso
Virssaladze et à la Hochschule Hanns Eisler de Berlin dans la
classe de Michaël Endres.
Il se produit dans de prestigieux
festivals et salles de concerts : Festival de la Roque d’Anthéron,
Piano aux Jacobins à Toulouse, La Folle Journée de Nantes,
Festival Chopin, Festival Messiaen, l’Esprit du Piano, les
Lisztomanias, avec des orchestres comme l’Orchestre du Mariinsky
sous la direction de Valery Gergiev, l’Orchestre National de
Bordeaux-Aquitaine sous la direction de Paul Daniel, ou
l’Orchestre Simon Bolivar dirigé par Christian Vasquez, et dans
des pays comme la Chine, le Japon, la Russie, les Etats-Unis,
l’Europe et au-delà.
Sa discographie actuelle est consacrée aux compositeurs C.P.E.
Bach, Liszt, Schumann, Chopin, Stravinsky, Prokofiev, Ravel,
Franck et Fauré.
Sonatas for violin
and piano
The works chosen by Jean-Baptiste Fonlupt and Éric Lacrouts date
all three from after the French defeat in 1870, which marked an
abrupt break in the sphere of music, as in many other fields. At
that moment, the up-to-now privileged genre of the opera was
questioned, and a new French aesthestic vein was claimed.
These three works thus entered the repertoire under the
favourable auspices of the Société nationale de musique founded
in 1871 by Romain Bussine et Camille Saint- Saëns. With its
motto "Ars Gallica", it strived to promote French music,
particularly instrumental music, to free it from the Germanic
mould, and to allow young composers to find audiences.
These three works again belong to an instrumental genre that had
been quite neglected during the first two thirds of the 19th
century, that is the sonata combining the piano with a solo
instrument. At the same time, the virtuosity of violonists
trained in Paris or in Belgium, notably Vieuxtemps, Sarasate ou
Ysaÿe, urged composers to enrich that repertoire.
At the turn of the century, that passion found its perfect
expression with Proust in his famous conjuring-up of the
Vinteuil's Sonata : his models were said to be, among others,
the sonatas written by Gabriel Fauré and César Franck.
The two
sonatas in which Gabriel Fauré (1845-1924) has the violin and
the piano in a conversation, so to speak, mark the start and the
climax of his creative path : the former composed in 1876 is the
work of a young musician, the latter from 1916 was penned by a
successful man, the director of the Conservatoire de Paris, and
a member of the Institut.
The op.13 Sonata was written from 1875-1876 at Sainte Adresse.
Fauré dedicated it to the violonist Paul Viardot, the son of the
matchless singer Pauline Viardot and brother to his recent and
short-lasting fiancee, Marianne. It was created on January 27,
in 1877, during a concert of the Société nationale de musique,
played by Marie Tayau, and the composer on the piano. Its
success was immediate. The Sonata would remain one the most
played of his works during his life.
He would himself interpret it often, with Eugène Ysaÿe, Jacques
Thibaud, Johannes Wolff or Georges Enesco. It still echoes
romantic accents which, from the fiery preamble of the initial
allegro, free themselves from a very traditional four-movement
structure, and adorn the melody with a delicate expressivity.
The two instrument voices are treated as equals in rich, yet
aways subtle, exchanges, alternating confrontation and fusion in
the two cental movements : a tender andante and an agile,
impulsive scherzo (abounding in pizzicati and staccati).
Fauré, now an
established musician, comes back to that form in the summer of
1916 during a peaceful stay near Evian. The atmosphere in which
Sonata op.108 opens is however most sombre, with a restless
rhythm and a tense harmony. This long, complex movement is
followed by a brief moment of appeasement which resumes the
elegiac tone (A major) of the first sonata, but is shot through
with disquiet in the song of the violin. The third movement
includes a chorus-theme which is quick and pure like the water
of a brook. The work was dedicated to Queen Elisabeth of
Belgium, herself a violonist. That time again, it was created at
the Société nationale de musique on November 10, 1917 by Louis
Capet, with Fauré once a again on the piano.
True to the mature style of the composer, this sonata is no
longer of an easy access. Melodic fragments and harmonic sparks
seem to follow one another without revealing the internal logic
to the listener, who must let themselves be carried away "by
their changing light, their sea atmosphere, the soaring of the
violin's lines above the endless, shimmering arpeggios of the
piano, their vital force, their sudden sparkle." (Jean-Michel
Nectoux, Gabriel Fauré : les voix du clair-obscur, Paris,
Fayard, 2008, p. 524). The sonata for violin and piano that was
held as the emblem of the genre for a long time is the one in F
major by César Franck (1822-1890) . It is also one of the most
cherished by musicians and music lovers who cannot but fall
under its powerful and moving inspiration. Composed in 1886, it
is dedicated to Eugène Ysaÿe, a Belgian too, who created it in
Brussels on December 16, and often championed it in numerous
concerts. The Sonata, the work of a keyboard master (the organ
in particular), is intended for the piano accompanied by the
violin whose part is never burdened with vituoso passages but
unfold a melodic line close to a singing voice. Its third
movement is by the way entitled Recitativo-Fantasia. While
classical with its four movements, the work shows a cyclic form
which informs a supple journey thanks to various rhythmic moods
and harmonic climates - at times coming close to the universes
of Schumann, Beethoven or Bach - around a few simple,
wonderfully melodious themes which the listener can memorize
easily and thus will always identify. "But when one has noticed
that the whole architecture of the sonata boils down to a mere
third interval and to three main themes, what will one have said
of its essence ? Eventually far fewer things than what the
"little phrase", that Swann and Odette make the "national
anthem" of their love, reveals us on Vinteuil's sonata."
(Joël-Marie Fauquet, César Franck, Paris, Fayard, 1999, p.633).
Elisabeth Giuliani
Translation Pierre Léonardon
Eric Lacrouts was born in 1976 in a
family of musicians. He started studying the piano and the violin
at the age of 6. After obtaining the highest grades in violion
(from Jacques Ghestem's class) and chamber music (from Régis
Pasquier's and Itamar Golan's classes) at the CNSM de Paris, he
joined its highly selective perfecting cycle.
After graduating there, he honed his skills with such masters as
Igor Oistrakh, Yair Kless, Hermann Krebbers, Philippe Hirshorn and
Joseph Silverstein.
He plays in numerous European music festivals
together with such artists as Salvatore Accardo, Bruno Giurana,
Antonio Meneses, Régis and Bruno Pasquier, Denis Pascal and Cédric
Tiberghien .
Eric Lacrouts is a dedicatee and creator of works by Lucien
Guérinel, Gérard Gastinel and Emmanuel Séjourné.
His recorded
interpretation of Ysaÿe's Sonatas for solo violin (Klarthe label)
was praised by music magazines like Diapason, Classica, Resmusica.
He is the violin soloist in the Opéra National de Paris Orchestra,
and since 2010 has beena member of the World Orchestra for Peace
directed by Valery Gergiev. Eric Lacrouts plays a violin made by
Petrus Guarneri in 1730 and with a bow made by Christain Barthe in
2015.
Jean-Baptiste Fonlupt studied the piano
at the Paris CNSM conservatoire with Bruno Rigutto, at the Royal
College of Music in London with Yonti Solomon, at the Tchaikovsky
Conservatoire in Moscow with Elisso Virssaladze and at the Berlin
Hanns Heisler Hochschule in Michaël Endres's class.
He plays in
prestigious festivals and concert halls : Festival de la Roque
d'Anthéron, Piano aux Jacobins in Toulouse, La Folle Journée in
Nantes, the Chopin festival, the Messiaen festival, l'Esprit du
Piano, the Lisztomanias, with such orchestras as the Mariinsky
Orchestra directed by Valery Gergiev, the Orchestre National de
Bordeaux-Aquitaine directed by Paul Daniel, or the Simon Bolivar
Orchestra directed by Christian Vasquez, and in countries like
China, Japan, Russia, the United States, Europe and beyond.
His current discography is devoted to these composers : C.P.E
Bach, Liszt, Schumann, Chopin, Stravinsky, Prokofiev, Ravel,
Franck and Fauré.
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