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Franck - Fauré
Sonates

Éric Lacrouts, violon Jean-Baptiste Fonlupt, piano

Diapason
POL 212 165


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César Franck
Sonate en La Majeur FWV8
Allegretto ben moderato

Allegro
Recitativo - Fantasia (ben moderato)
Allegretto poco mosso


Gabriel Fauré
Sonate en La Majeur Op.13
Allegro molto
Andante
Scherzo - Allegro vivo
Allegro quasi presto

Sonate en Mi Majeur Op. 108
Allegro non troppo
Andante
Final - Allegro non troppo

   
         
   


Sonates violon et piano

Les œuvres choisies par Jean-Baptiste Fonlupt et Éric Lacrouts sont toutes trois postérieures à la défaite française de 1870 qui marqua une rupture nette, sur le plan musical comme sur bien d’autres. Fut remis en cause le genre jusque-là privilégié de l’opéra et revendiquée une veine esthétique française.
Toutes trois entrèrent ainsi dans le répertoire sous les auspices de la Société nationale de musique fondée en 1871 par Romain Bussine et Camille Saint-Saëns. Avec pour devise "Ars gallica", elle cherchait à promouvoir la musique française, notamment instrumentale, à la délivrer de l’empreinte germanique et à permettre à de jeunes compositeurs de rencontrer un public. Toutes trois encore relèvent d’un genre instrumental plutôt négligé en France au cours des deux premiers tiers du XIXème siècle, la sonate associant au piano un instrument soliste. Parallèlement, la virtuosité d’interprètes du violon formés à Paris ou en Belgique, Vieuxtemps, Sarasate ou Ysaÿe notamment, incitait les compositeurs à enrichir ce répertoire. Cet engouement au tournant du siècle trouve une expression parfaite chez Marcel Proust et ses célèbres évocations de la Sonate de Vinteuil : [à noter la Sonate dite de Vinteuil de Claude Pascal POL 210 579] ses modèles seraient justement, entre autres, les sonates de Gabriel Fauré et de César Franck.
Les deux sonates où Gabriel Fauré (1845-1924) fait dialoguer le violon et le piano encadrent son parcours créateur : la première composée en 1876 est l’œuvre d’un jeune musicien ; la seconde, de 1916, sort de la plume d’un personnage arrivé, directeur du Conservatoire de Paris et membre de l’Institut.

La Sonate op.13 fut écrite de 1875 à 1876 à Sainte-Adresse. Fauré la dédie au violoniste Paul Viardot, fils de l’incomparable cantatrice Pauline Viardot et frère de sa toute récente et éphémère fiancée, Marianne. Elle est créée le 27 janvier 1877, lors d’un concert de la Société nationale de musique par Marie Tayau et le compositeur au piano. Le succès est immédiat et la Sonate restera l’une de ses œuvres les plus jouées de son vivant. Lui-même l’interprètera souvent, avec Eugène Ysaÿe, Jacques Thibaud, Johannes Wolff ou Georges Enesco. Elle résonne encore d’accents romantiques qui, dès le fougueux préambule de l’allegro initial, s’échappent d’une structure très classique en quatre mouvements et rehaussent une mélodie d’une délicate expressivité. Les deux voix instrumentales sont traitées à égalité en d’amples mais toujours subtils échanges, alternant confrontation et fusion dans les deux mouvements centraux : un andante tendre et un scherzo agile et primesautier (où abondent pizzicati et staccati).

Fauré, musicien consacré, revient à cette forme au cours de l’été 1916 pendant un séjour serein près d’Évian. Le climat dans lequel s’ouvre la Sonate op.108 est pourtant des plus sombres avec un rythme agité et une harmonie tendue. A ce long mouvement complexe succède un instant d’apaisement qui renoue avec la tonalité élégiaque (La Majeur) de la première sonate mais est traversé d’inquiétude dans le chant du violon. Le troisième et dernier mouvement intègre un thème-refrain agile et pur comme l’eau d’un ruisseau. L’ouvrage dédié à la reine Elisabeth de Belgique, violoniste elle-même, fut une fois encore créé à la Société nationale de musique le 10 novembre 1917 par Louis Capet avec Fauré toujours au piano.
Conforme au style de la maturité du compositeur, cette sonate n’est plus d’un abord immédiat. Tesselles mélodiques et éclats harmoniques semblent s’y succéder sans que la logique interne n’apparaisse à l’auditeur qui doit s’abandonner "à leur lumière changeante, leur atmosphère marine, l’envol des lignes du violon sur le miroitement infini des arpèges du piano, leur force vitale, leurs éclats soudains." (Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré : les voix du clair-obscur, Paris, Fayard, 2008, p. 524).

La Sonate pour violon et piano qui fut longtemps tenue pour l’emblème du genre est celle, en La Majeur, de César Franck (1822-1890). Elle est aussi l’une des plus choyées par les musiciens et les mélomanes qui ne peuvent que succomber à son inspiration puissante et bouleversante. Composée en 1886, elle est dédiée à Eugène Ysaÿe, Belge lui aussi, qui la créa à Bruxelles le 16 décembre et la défendit souvent lors de nombreux concerts. Cette sonate, œuvre d’un maître du clavier (de l’orgue en particulier) est pensée pour le piano avec accompagnement de violon dont la partie n’est jamais chargée de traits mais déploie une ligne mélodique proche de la voix chantée. Son troisième mouvement est d’ailleurs intitulé Recitativo-Fantasia.
Classique par ses quatre mouvements, l’œuvre présente une forme cyclique qui oriente un parcours souple par divers humeurs rythmiques et climats harmoniques - faisant par instant côtoyer les univers de Schumann, Beethoven ou Bach - autour de quelques thèmes simples et sublimement mélodieux que l’auditeur mémorise aisément et ainsi reconnaît toujours. "Mais quand on aura constaté que toute l’architecture de la sonate est réductible à un simple intervalle de tierce et à trois thèmes principaux, qu’aura-t-on dit de son essence ? Beaucoup moins de choses finalement que ce que la "petite phrase" dont Swann et Odette font "l’air national" de leur amour nous apprend sur la sonate de Vinteuil." (Joël-Marie Fauquet, César Franck, Paris, Fayard, 1999, p.633).

Elisabeth Giuliani


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Né en 1976 au sein d’une famille de musiciens, Eric Lacrouts commence l’étude du piano et du violon dès l’âge de six ans. Après avoir obtenu les plus hautes récompenses de violon (classe de Jacques Ghestem) et musique de chambre (classes de Régis Pasquier et Itamar Golan) au CNSM de Paris, il intègre son très sélectif cycle de perfectionnement.
A l’issue de ses études en France, il aiguise son jeu auprès de grands maîtres tels qu’Igor Oistrakh, Yair Kless, Hermann Krebbers, Philippe Hirshorn et Joseph Silverstein.
Il se produit dans de nombreux festivals européens entouré d’artistes tels que Salvatore Accardo, Bruno Giurana, Antonio Meneses, Régis et Bruno Pasquier, Denis Pascal et Cédric Tiberghien. Eric Lacrouts est dédicataire et créateur d’œuvres de Lucien Guérinel, Gérard Gastinel et Emmanuel Séjourné.
Au disque, son interprétation des Sonates d’Ysaÿe pour violon seul (label Klarthe) est salué par la critique (Diapason, Classica, Resmusica...). Il est violon solo de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris et membre depuis 2010 du World Orchestra for Peace sous la direction de Valery Gergiev.
Éric Lacrouts joue un violon de Petrus Guarneri de 1730 et un archet de Christian Barthe de 2015.


Jean-Baptiste Fonlupt a étudié au CNSM de Paris auprès de Bruno Rigutto, au Royal College of Music de Londres chez Yonty Solomon, au Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou avec Elisso Virssaladze et à la Hochschule Hanns Eisler de Berlin dans la classe de Michaël Endres.
Il se produit dans de prestigieux festivals et salles de concerts : Festival de la Roque d’Anthéron, Piano aux Jacobins à Toulouse, La Folle Journée de Nantes, Festival Chopin, Festival Messiaen, l’Esprit du Piano, les Lisztomanias, avec des orchestres comme l’Orchestre du Mariinsky sous la direction de Valery Gergiev, l’Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine sous la direction de Paul Daniel, ou l’Orchestre Simon Bolivar dirigé par Christian Vasquez, et dans des pays comme la Chine, le Japon, la Russie, les Etats-Unis, l’Europe et au-delà.
Sa discographie actuelle est consacrée aux compositeurs C.P.E. Bach, Liszt, Schumann, Chopin, Stravinsky, Prokofiev, Ravel, Franck et Fauré.

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Sonatas for violin and piano
The works chosen by Jean-Baptiste Fonlupt and Éric Lacrouts date all three from after the French defeat in 1870, which marked an abrupt break in the sphere of music, as in many other fields. At that moment, the up-to-now privileged genre of the opera was questioned, and a new French aesthestic vein was claimed.
These three works thus entered the repertoire under the favourable auspices of the Société nationale de musique founded in 1871 by Romain Bussine et Camille Saint- Saëns. With its motto "Ars Gallica", it strived to promote French music, particularly instrumental music, to free it from the Germanic mould, and to allow young composers to find audiences.
These three works again belong to an instrumental genre that had been quite neglected during the first two thirds of the 19th century, that is the sonata combining the piano with a solo instrument. At the same time, the virtuosity of violonists trained in Paris or in Belgium, notably Vieuxtemps, Sarasate ou Ysaÿe, urged composers to enrich that repertoire.
At the turn of the century, that passion found its perfect expression with Proust in his famous conjuring-up of the Vinteuil's Sonata : his models were said to be, among others, the sonatas written by Gabriel Fauré and César Franck.
The two sonatas in which Gabriel Fauré (1845-1924) has the violin and the piano in a conversation, so to speak, mark the start and the climax of his creative path : the former composed in 1876 is the work of a young musician, the latter from 1916 was penned by a successful man, the director of the Conservatoire de Paris, and a member of the Institut.
The op.13 Sonata was written from 1875-1876 at Sainte Adresse. Fauré dedicated it to the violonist Paul Viardot, the son of the matchless singer Pauline Viardot and brother to his recent and short-lasting fiancee, Marianne. It was created on January 27, in 1877, during a concert of the Société nationale de musique, played by Marie Tayau, and the composer on the piano. Its success was immediate. The Sonata would remain one the most played of his works during his life.
He would himself interpret it often, with Eugène Ysaÿe, Jacques Thibaud, Johannes Wolff or Georges Enesco. It still echoes romantic accents which, from the fiery preamble of the initial allegro, free themselves from a very traditional four-movement structure, and adorn the melody with a delicate expressivity. The two instrument voices are treated as equals in rich, yet aways subtle, exchanges, alternating confrontation and fusion in the two cental movements : a tender andante and an agile, impulsive scherzo (abounding in pizzicati and staccati).

Fauré, now an established musician, comes back to that form in the summer of 1916 during a peaceful stay near Evian. The atmosphere in which Sonata op.108 opens is however most sombre, with a restless rhythm and a tense harmony. This long, complex movement is followed by a brief moment of appeasement which resumes the elegiac tone (A major) of the first sonata, but is shot through with disquiet in the song of the violin. The third movement includes a chorus-theme which is quick and pure like the water of a brook. The work was dedicated to Queen Elisabeth of Belgium, herself a violonist. That time again, it was created at the Société nationale de musique on November 10, 1917 by Louis Capet, with Fauré once a again on the piano.
True to the mature style of the composer, this sonata is no longer of an easy access. Melodic fragments and harmonic sparks seem to follow one another without revealing the internal logic to the listener, who must let themselves be carried away "by their changing light, their sea atmosphere, the soaring of the violin's lines above the endless, shimmering arpeggios of the piano, their vital force, their sudden sparkle." (Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré : les voix du clair-obscur, Paris, Fayard, 2008, p. 524). The sonata for violin and piano that was held as the emblem of the genre for a long time is the one in F major by César Franck (1822-1890) . It is also one of the most cherished by musicians and music lovers who cannot but fall under its powerful and moving inspiration. Composed in 1886, it is dedicated to Eugène Ysaÿe, a Belgian too, who created it in Brussels on December 16, and often championed it in numerous concerts. The Sonata, the work of a keyboard master (the organ in particular), is intended for the piano accompanied by the violin whose part is never burdened with vituoso passages but unfold a melodic line close to a singing voice. Its third movement is by the way entitled Recitativo-Fantasia. While classical with its four movements, the work shows a cyclic form which informs a supple journey thanks to various rhythmic moods and harmonic climates - at times coming close to the universes of Schumann, Beethoven or Bach - around a few simple, wonderfully melodious themes which the listener can memorize easily and thus will always identify. "But when one has noticed that the whole architecture of the sonata boils down to a mere third interval and to three main themes, what will one have said of its essence ? Eventually far fewer things than what the "little phrase", that Swann and Odette make the "national anthem" of their love, reveals us on Vinteuil's sonata." (Joël-Marie Fauquet, César Franck, Paris, Fayard, 1999, p.633).


Elisabeth Giuliani
Translation Pierre Léonardon



Eric Lacrouts was born in 1976 in a family of musicians. He started studying the piano and the violin at the age of 6. After obtaining the highest grades in violion (from Jacques Ghestem's class) and chamber music (from Régis Pasquier's and Itamar Golan's classes) at the CNSM de Paris, he joined its highly selective perfecting cycle.
After graduating there, he honed his skills with such masters as Igor Oistrakh, Yair Kless, Hermann Krebbers, Philippe Hirshorn and Joseph Silverstein.
He plays in numerous European music festivals together with such artists as Salvatore Accardo, Bruno Giurana, Antonio Meneses, Régis and Bruno Pasquier, Denis Pascal and Cédric Tiberghien .
Eric Lacrouts is a dedicatee and creator of works by Lucien Guérinel, Gérard Gastinel and Emmanuel Séjourné.
His recorded interpretation of Ysaÿe's Sonatas for solo violin (Klarthe label) was praised by music magazines like Diapason, Classica, Resmusica. He is the violin soloist in the Opéra National de Paris Orchestra, and since 2010 has beena member of the World Orchestra for Peace directed by Valery Gergiev. Eric Lacrouts plays a violin made by Petrus Guarneri in 1730 and with a bow made by Christain Barthe in 2015.

Jean-Baptiste Fonlupt studied the piano at the Paris CNSM conservatoire with Bruno Rigutto, at the Royal College of Music in London with Yonti Solomon, at the Tchaikovsky Conservatoire in Moscow with Elisso Virssaladze and at the Berlin Hanns Heisler Hochschule in Michaël Endres's class.
He plays in prestigious festivals and concert halls : Festival de la Roque d'Anthéron, Piano aux Jacobins in Toulouse, La Folle Journée in Nantes, the Chopin festival, the Messiaen festival, l'Esprit du Piano, the Lisztomanias, with such orchestras as the Mariinsky Orchestra directed by Valery Gergiev, the Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine directed by Paul Daniel, or the Simon Bolivar Orchestra directed by Christian Vasquez, and in countries like China, Japan, Russia, the United States, Europe and beyond.
His current discography is devoted to these composers : C.P.E Bach, Liszt, Schumann, Chopin, Stravinsky, Prokofiev, Ravel, Franck and Fauré.


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